Paolo Giordano / La solitude des nombres premiers

Deux solitudes

Qu'ont en commun Alice et Mattia, sinon un traumatisme d'enfance qui aura des conséquences déterminantes sur leur parcours de vie.

Lui se passionne pour les mathématiques - ce qui explique le titre énigmatique du roman - et elle, pour la photo. Et pour dire les choses clairement, ce sont deux mésadaptés de la vie en société. 

Tout au long de ce très beau et très touchant roman, ils vont se trouver, se perdre et se retrouver... 

Comme dans la chanson de Serge Rezvani qu'a popularisée Jeanne Moreau,   Le tourbillon de la vie.

Ce premier roman a valu à Paolo Giordano, doctorant en physique théorique, des critiques dithyrambiques et un prestigieux prix littéraire italien.

J'ai été séduit, ébloui et touché par l'univers de ces deux mésadaptés à la recherche du bonheur.

Paris, 22 septembre 2022.

Stéphane Carlier / Clara lit Proust

Clara et Marcel

Le quotidien de Clara, jeune coiffeuse au salon de madame Habid en Saône et Loire, s'étire entre  les petites histoires de salon, sa vie avec son beau  copain pompier - dont elle commence à être lassée- et son chat qui refuse de se faire caresser.

Sa petite vie sera bouleversée par la découverte d'un livre oublié par un client. Rapidement, Gilberte, Charles Swann et le baron Charlus viendront habiter son quotidien.  Elle découvrira avec enthousiasme les salons parisiens des Guermantes, les vacances à Balbec et à Combray.

Bref, Proust va transformer sa vie.

Encore une fois, je m'en voudrais de vous en dire plus.

C'est drôle, finement écrit et ça démystifie À la recherche du temps perdu considérée à tort comme une œuvre inaccessible. Marcel Proust avait beaucoup d'humour.

Un véritable feel good book, comme on dirait d'un film. Et, vous verrez,Clara a des airs d'Amélie Poulin.

Paris, 18 septembre

Georges Perec / Tentative d'épuisement d'un lieu parisien

Regarder passer...

Regarder passer les gens, regarder passer les voitures, les autobus, les cars de touristes, Place Saint-Sulpice à Paris. C'est le défi que s'était donné Georges Perec pour l'écriture de Tentative d'épuisement d'un site parisien.

Georges Perec (1936-1982) était un membre de l'Oulipo, un mouvement littéraire créé par Raymond Queneau, qui consiste à écrire en s'imposant des contraintes arbitraires. Dans La disparition, un roman de près de 300 pages, Perec n'a jamais utilisé la lettre e . Tout un défi  alors que son nom et son prénom comporte quatre fois la lettre e .

C'est un petit texte d'une soixantaine de pages qui se lit d'un trait. C'est une jolie curiosité pour ceux qui aiment la littérature qui sort des sentiers battus. On a vraiment l'impression d'y être.

On souligne cette année la quarantième année de sa mort, ce qui donne lieu à une réédition de tous ses livres dont son plus connu La vie mode d'emploi paru en 1978.

Paris, 20 septembre 2022

Michel  Pinçon et Monique Pinçon-Charlot / PARIS...Quinze promenades sociologiques

Paris/ Quinze promenades sociologiques

Paris a connu des mutations importantes au cours des dernières années.

Paris s'étale, s'étire, se développe sur des sites de vieux rails de chemin de fer, sur des sites d'usines désafectées, notamment à l'est de la capitale, du côté de Bercy. Et ça se poursuit vers Ivry sur Seine. C'est ce que l'on appelle déjà le Paris du XXI e siècle.

Beaucoup d'anciens quartiers ouvriers s'embourgeoisent et cette cohabitation n'est pas toujours sans heurts.

Les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon- Charlot proposent quinze promenades sociologiques très bien documentées, agréables à lire et fort instructives. C'est une manière originale de découvrir Paris en dehors des sentiers battus des lieux hyper touristiques.

Une belle découverte.

Paris, 18 septembre 2022

David Michie / Le chat du Dalai-lama

Le chat du Dalai-Lama

Quand on est un chaton d'un bidonville de Delhi, sur le point d'être jeté dans une poubelle par deux gamins de la rue, sauvé in extremis  par deux moines bouddhistes, c'est de qu'on appelle avoir de la chance.

Mais encore, quand on est recueilli par le Dalaï-Lama en personne dans sa grande résidence de Jokhang et que celui-ci en fait son animal de compagnie, c'est encore plus de chance. C'est le Nirvana!

L'auteur, David Michie, connaît bien le bouddhisme. Il a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet. Cette fois-ci, il donne la parole à Tigre des neiges  - c'est le nom que lui a donné sa Sainteté  - qui observe la quotidiennété à Jokhang.

Le chat au Dalaï-Lama profite de l'occasaion pour distiller les principes du bouddhisme. Fin observateur, assis sur le rebord de la fenêtre, il nous propose un véritable journal des activités dans cette ruche qu'est Jokhang.

C'est drôle et léger. Et, ma foi , il y a là des choses qui forcent à la réflexion.

Clarenceville 15-09-22

David Lodge / Les quatre vérités

Les quatre vérités

Je viens d'ajouter un nouveau mot à mon vocabulaire. Une novella. C'est une histoire courte à quelques personnages - deux à quatre, rarement plus - c'est un peu plus long qu'une nouvelle et souvent il y a unité de lieu. Dans le cas de Les quatre vérités, c'est l'adaptation d'une pièce de théâtre écrite par David Lodge dans les années 90.

C'est court. Ça fait 168 pages. Commencé en allant au lit et fini avant de m'endormir. Les soirs de pleine lune, j'ai de la difficulté à trouver le sommeil. Vrai de vrai! Mais qui ça intéresse!

J'adore les romans de David Lodge. Je l'ai déjà dit à quelques reprises. Ses histoires se déroulent principalement dans le milieu universitaire, celui des écrivains et des scénaristes. Lui-même ancien professeur de littérature anglaise à l'université de Birmingham, il prend un malin plaisir à décrire le milieu universitaire avec un humour souvent caustique.

C'est un huis clos entre Adrian, un écrivain qui a connu son heure de gloire et qui s'est retiré dans une maison de ferme dans un bled perdu avec sa femme Éleanor, Sam, leur ami d'université qui a très bien réussi à Hollywood dans les feuilletons télévisés et enfin Fanny Tarrant, la jeune journaliste arriviste et féroce qui se plait à tailler en pièces les personnes qu'elle intreviewe. Nos deux amis en feront les frais.

C'est drôle, satyrique et bien rythmé. Du bon David  Lodge, quoi!

9-09-22

Clerenceville

Autres livres intéressants de David Lodge : Jeu de société ( 1984), Un tout petit monde (1988), La chute du British Museum ( 1965 )

Stéphane Carlier / L'enterrement de Serge

L'enterrement de Serge

Jusqu'à la semaine denrière, je n'avais jamais entendu parler de cet auteur. Toujours est-il que j'ai lu quelque part que le roman Clara lit Proust  - à paraître chez Gallimard - pourrait être un des romans de la rentrée littéraire. N'oublions pas qu'on souligne cette année le centième anniversaire de la mort de Marcel Proust. Une jeune coiffeuse voit sa vie transformée par la lecture de À la recherche du temps perdu, qu'un client avait oublié au salon.

Il n'en fallait pas plus pour que je me documente sur cet auteur qui en est à son cinquième roman. J'ai trouvé deux titres à la Grande bibliothèque : L'enterrement de Serge et Les perles noires de Jackie O.

Quelle belle découverte! Après des lectures aussi denses que le Quatuor d'Alexandrie et Porporino, ça fait plaisir, en cette belle  fin d'été,  de plonger dans ce récit à la fois drôle et pas drôle.

Bon on y arrive! Serge Blondeau est un looser. C'est du moins l'avis de sa soeur Brigitte - une véritable peau de vache - et de son radin de mari, Bernard, obsédé par la façon de se faire rembourser les 400 euros qu'il lui a prêté il y a quelques années.

Le triste enterrement dans un petit cimetière en Saône et Loire connaîtra un dénouement inattendu - presque un happy end - que je ne voudrais surtout pas divulger ici. Heureusement , il y a de l'amour dans l'air, comme le chante si bien Martine Saint-Clair.

C'est l'histoire d'une famille ordinaire qui n'est pas sans rappeler Un air de famille de Cédrick Klapisch (1996) avec Jean-Pierre Bacri - à qui il dédie le livre - et Agnès Jaoui.

Attention! Ce n'est pas de la grande littérature. Mais c'est plein d'humour et de références bien arrimées. C'est bien écrit. J'aimerais être capable d'en faire autant.

Alors quoi demander de plus. J'attends juste que G. finisse Les perles noires de Jackie O pour me lancer dans cette histoire désopilante qui se déroule dans le Upper East Side à New-York.

Et j'attends bien sûr de mettre la main sur Clara lit Proust... qui vient tout juste de sortir en France.

Clarenceville / 08-09-22

Lawrence Durrell / Le quatuor d'Alxandrie

4.- Cléa

Le Quatuor d'Alexandrie / Cléa

Suite et fin de cet immense roman. La boucle est bouclée.

La petite communauté d'expatriés d'Alexandrie s'est dissoute. Certains sont morts, d'autres sont partis ailleurs.

Pursewarden, le diplomate et écrivain irlandais, s'est suicidé laissant derrière lui une correspondance troublante avec sa soeur Liza qui constiutue le noeud narratif de cette quatrième partie.

Darley quittera Alexandrie pour rejoindre l'Angletetrre. Auparavant il aura retrouvé Cléa avec qui il aura une liaison amoureuse en dents de scie. Il se remémore ses amours avec Mélisssa et Justine, autres personnages phares de la tétralogie.

Cléa se termine sur le récit d'une grande fête, véritable carnaval de derviches, d'avaleurs de sabres et de prostituées. À la suite d'un grave accident qui aurait pu lui coûter la vie, Cléa décide d'aller en France.

La lettre que laisse Cléa à Darley laisse présager  une suite à leur histoire.

C'est un beau roman, c'est une belle histoire comme le chantait Michel Fugain dans les années 70.

Et pour terminer, je ne peux m'empêcher de citer cette phrase de la page 882.

" Même un phoque peut apprendre à tenir un ballon de football en équilibre sur son nez ou à jouer du trombone à coulisses dans un cirque".

Ceci ne vous rappelle-t-il pas une célèbre chanson d'un non moins célèbre groupe des années 70?

07-09-2022

Dominique Fernandez / Porporino ou les mystères de Naples

Dominique Fernandez / Porporino ou les mystères de Naples

Il n'y a qu'un seul mot pour désigner ce roman à la fois fascinant et agaçant : baroque.

Nous sommes à la fin du dix-huitième siècle. Vincenzo Del Prato,  un jeune napolitain issu d'une famille pauvre deviendra Porporino,  castrat à l'opéra de Naples.

Voilà pour l'essentiel de l'histoire. Mais tout n'est pas si simple.  Ce roman foisonnant à l'écriture fleurie - et parfois alambiquée - part dans plusieurs directions. 

Il y est question bien sûr des castrats et de leur importance dans l'opéra italien, à une époque  où les femmes étaient interdites sur scène, de virilité, d'identité de genre. Se greffent à ce récit une série d'histoires abracadabrantes dignes des contes des Mille et une nuits . On se croirait parfois chez le Satyricon de Fellini.

Le personnage de Feliciano, autre castrat, d'une beauté magnétique , est l'objet de toutes les convoitises de la noblesse masculine napolitaine. L'homosexualité, un thème récurrent  chez Dominique Fernandez, sert de toile de fond à  ce récit.

Cette incursion dans l'univers des castrats qui mélange à la fois fiction et réalité - Farinelli a bel et bien existé - est intéressante. Toutefois, on s'y perd en cours de route tant le roman s'éparpille en longeurs et en considérations pas toujours nécessaires.

Iles de la Madeleine, août 2022.

Lawrence Durell / Le quatuor d'Alexandrie

3.- Mountolive

Le Quatuor d'Alexandrie - Mountolive

Avec le troisième volet du quatuor, on est au coeur de l'histoire de David Mountolive, devenu ambassadeur britannique en Égypte et de celle des frères Hossini, Nissim et Narouz.

L'engagement politique révolutionnaire des frères Hossini - qui prendra des tournures différentes- et le devoir de réserve de Mountolive, ami de Nissim,  constitue le noyau narratif de «Mountolive».

Encore une fois, c'est un récit touffu, plein d'anecdotes qui nous plongent au plus vrai de la culture égyptienne. La scène de l'agonie et de la veille mortuaire de Narouz est une véritable pièce d'anthologie.

Prochaine étape : «Cléa» qui mettra un point final à cet immense récit que certains n'ont pas hésité à comparer à Proust.

4 août 2022 / îles de la Madeleine

MATSUMOTO / Tokyo Express

Tokyo Express

J'ai trouvé ce petit livre, considéré comme un des plus célèbres polars japonais contemporains,  chez les libraires nouvellement installés dans le hall de la Grande Bibliothèque. Ils sont trois à se partager ce bel espace stratégique et on y fait des découvertes très intéressantes. Fin de la publicité.

«Tokyo Express» est mon premier polar japonais. Un homme et une femme sont retrouvés morts sur une plage dans la baie de Kashii empoisonnés au cyanure.  On conclut immédiatement à un double suicide.

Mais Sayama, le suicidé, travaillait pour une grande entreprise  sous enquête, accusée de pots de vins et autres transactions douteuses. Il n'en faut pas plus pour mettre la puce à l'oreille à l'inspecteur Mihara qui fera tout en son pouvoir pour dénouer cette ténébreuse affaire. Un examen minutieux - absolument fascinant -  des horaires de train et d'avion permettra d'élucider ce qui, au final, s'avèrera être un double meurtre.

«Tokyo Express » paru en 1958 et vendu à des milions d'exemplaires a été considéré comme un des plus grands best sellers de l'après-guerre. Il a été réédite chez Picquier Poche.

Ça donne envie de lire d'autres polars japonais.

14-07-22

Nosaka Akiyuki / Nosaka aime les chats

Nosaka aime les chats

À l'instar de Nosaka Akiyuki (1930-2015),  moi aussi j'aime les chats.

Ce petit livre publié chez Picquier Poche - qui se spécialise uniquement dans la littérature d'origine asiatique - comporte une quarantaine de courts récits portant sur les chats de sa vie . Il en a six, tous des siamois, sauf Charly un chat de goutière maigrichon qu'il a trouvé dans son jardin et bien sûr adopté. Tout un caractère!

Ce livre, je l'ai posé sur ma table de chevet et je lis une ou deux histoires - un genre de trou normand - entre les chapitres du livre en cours de lecture.

C'est drôle. C'est mignon et attendrisssant. On se croirait parfois chez Pierre Foglia tant ses chats ont des drôles de nom.

Et si on aime les chats, on craque.

06-07-22

LaWrence Durell / Le quatuor d'Alexandrie

2.- Balthazar

Le quatuor d'Alexandrie / Balthazar

Avec cette relecture du Quatuor d'Alexandrie - je l'avais lu au milieu des années 70 - je nage en plein bonheur. J'avais oublié à quel point la structure narrative est à la fois complexe, brillante et fascinante.

Chaque tome porte le nom d'un personnage, ce qui peut être un peu trompeur.  Par exemple, dans Balthazar, il y est autant question de Justine, véritable personnage pivot de la tétralogie , que dans le premier tome. C'est que  l'histoire de cette bande d'amis, Justine, Nessim, Cléa, Balthazar, Mountolive,  est racontée selon la vision des différents protagonistes. Avec bien sûr, en toile de fond l'Alexandrie de l'entre-deux guerres, ses excès, ses fêtes mondaines et son carnaval.

Ainsi à chaque tome, l'histoire s'enrichit de nouveaux détails. Et, pour rajouter une couche de complexité, c'est le récit d'un roman en train de s'écrire. Une sorte de mise en abyme.

J'enchaîne avec Mountolive après quelques lectures plus légères et plus courtes.

À suivre bien sûr...

06-07-22

Dylan Thomas / Portrait de l'artiste en jeune chien

Portrait de l'artiste en jeune chien

Écrites durant l'entre-deux guerres, les dix nouvelles regroupées sous le titre « Portrait de l'artiste en jeune chien » sont des souvenirs d'enfance du poète au Pays de Galles.

Dylan Thomas, surtout connu pour sa poésie, est mort au Chelsea Hôtel à New-York à l'âge de 39 ans.   Sa consommation abusive de whisky - il se vantait d'en boire jusqu'à 18 verres par jour -  explique  sans doute le  style étrange à la limite de l'hallucination de certaines de ses nouvelles.

On ne peut s'empêcher, en lisant Dylan Thomas, de penser à Bob Dylan. Pour la petite histoire, on lui a souvent demandé s'il avait emprunté son nom au poète gallois. Il a longtemps nié pour finalement admettre que son admiration pour Dylan Thomas y était peut-être pour quelque chose.

En plus, les deux dernières nouvelles du recueil, «La mère Garbo» et «Le beau samedi» ont des résonnances surréalistes qui font immédiatement penser à « Desolation Row » ou encore  à « Ballad of a thin Man » de l'album « Highway 61 Revisited ».

Il y a bien des années que ce petit livre publié aux Éditions de Minuit - paru en anglais en 1940 - traînait dans ma bibliothèque et que je me promettais de le lire. C'est fait!

25-06-2022