LUS HIVER 2022

Hubert Aquin / Prochain épisode

Hubert Aquin / Prochain épisode (1965)

Hubert Aquin / Prochain épisode (1965)

Hubert Aquin (1929-1977)

Hubert Aquin (1929-1977)

Prochain épisode (1965)

« Cuba coule en flammes au milieu du lac Léman pendant que je descends au fond des choses.»

Combien de fois j'ai lu et relu cette première phrase de « Prochain épisode » le roman d'Hubert Aquin. Je n'y comprenais rien. Cette phrase me paralysait et j'étais  incapable d'aller plus loin. 

Il y a exactement 45 ans, le 18 mars, Hubert Aquin mettait fin à ses jours dans les jardins de la Villa Maria à Montréal. Il avait 47 ans. Je n'avais jamais réussi à lire au complet ce livre inclassable, pas facile d'accès il faut bien le dire. Je l'ai ressorti de ma bibliothèque.

«  Prochain épisode » c'est un roman dont l'épicentre se situe autour du Lac Léman. C'est un roman d'espionnage et de révolution qui s'écrit au moment même où on le lit. Un  roman qui n'est pas terminé. Un roman déstructuré. 

Le narrateur, l'écrivain est à la poursuite de l'énigmatique H. de Heutz.

C'est une histoire qui file à la vitesse d'une Formule 1. (Il faut dire que Hubert Aquin était un grand amateur de voitures sport et qu'elles occupent beaucoup de place dans le récit.) C'est le récit d'un révolutionnaire québécois exilé en Suisse. La quête d'un amour perdu et de souvenirs érotiques. Un aller-retour entre le Québec des débuts du FLQ et la Suisse.

Tout s'entremêle. Il faut s'accrocher. Ça va vite.

Je pense qu'il faut avoir lu sur la vie d'Hubert Aquin pour saisir la portée autobiographique de «Prochain épisode»  avec  son personnage du révolutionnaire suicidaire.

« Prochain épisode » s'inscrit dans la mouvance du nouveau roman où  rien n'est fait pour faciliter la tâche au lecteur.

En terme de complexité narrative, je comparerais «Prochain épisode» à «l'Année dernière à Marienbad » d'Alain Resnais (1961). Une autre histoire pas du tout linéaire et pas facile à suivre.

Une expérience de lecture. Oui sûrement. Il  faut aimer sortir des sentiers battus. Une fois n'est pas coutume.

23-03-2022

Karine Tuil / L'invention de nos vies

Karin Tuil / L'invention de nos vies

Karin Tuil / L'invention de nos vies

Karin Tuil

Karin Tuil

Trio infernal

Jusqu'où est-on prêt à aller pour accéder à la réussite et à la célébrité?

Sam (Samuel, Samir) Tahar mène une brillante carrière d'avocat à New-York. Il a épousé la richissime héritière d'une famille juive, habite un luxueux appartement sur la 5e avenue avec Ruth et leurs deux enfants.

Toutefois, sa réussite, sa notoriété repose sur un mensonge, une imposture qui aura des conséquences désastreuses sur ses proches.

Je ne veux absolument pas vous en raconter trop, de peur de gâcher votre plaisir de lecture. C'est une histoire d'amitié, de passion, de trahison, d'identité.

En quelques mots, Samuel, Samir et Nina étaient des amis inséparables. La passion amoureuse et le désir de réussite auront eu raison de cette amitié.

C'est un roman plein de rebondissements qui se situe entre New-York et Paris et met en parralèle les destins croisés de ce trio infernal.

Un gros coup de coeur.

17-03-2022

À lire aussi de Karine Tuil : Les choses humaines

Philippe Besson  / Paris-Briançon

Paris-Briançon /  Philippe Besson

Paris-Briançon / Philippe Besson

Train de nuit Paris-Briançon

Train de nuit Paris-Briançon

Autopsie d'une catastrophe

C'est la toute permière fois que je lis un roman en format électronique.

Je ne peux pas vraiment juger de l'expérience, tant j'ai été happé par ce récit.

Le temps d'un voyage de nuit entre Paris et Briançon, des liens se tissent entre des voyageurs.  Ils viennent d'horizons  différents : une bande de copains dans la vingtaine, un couple de retraités, une jeune femme en instance de séparation, un jeune médecin homosexuel, un joueur de hockey. Tous ces gens se rendent à Briançon pour une raison bien précise.

Tout le long du trajet, on apprend à mieux les connaître. Il y aura des rencontres déterminantes, des révélations troublantes.

Et tout à coup, tout bascule. C'est le cauchemar. Plusieurs ne sortiront pas de cette nuit. D'autres en ressortiront transformés.

 Un véritable coup de coeur...

07-03-2022

Andreï Guelassimov / La soif

Andreï Guelassimov

Andreï Guelassimov

Voilà!

Voilà!

Vodka...

J'ai trouvé ce petit livre dans la bibliothèque de mon frère aux îles de la Madeleine.  

Drôle de coïncidence, l'auteur est russe. Je ne sais rien de lui, je ne connais pas sa position face au conflit actuel. Autre coïncidence, c'est un livre qui parle de guerre.

Kostia revient de  Tchétchénie le visage abîmé par la guerre. Il retrouve à Moscou sa drôle de famille recomposée. Par la suite, il partira avec deux camarades à la recherche d'un tankiste disparu. Un road trip à travers villes et villages.

Kostia dessine très bien. Il dessine la guerre. Il dessine pour oublier. Il dessine pour vivre.

C'est froid, c'est rude et on boit de la vodka, beaucoup de vodka. 

3 mars 2022, îles de la Madeleine.

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Marie Vingtras / Blizzard

Marie Vingtras / Blizzard

Marie Vingtras / Blizzard

Dans le blizzard...

Quelque part en Alaska, un enfant est disparu au cours d'une tempête. C'est le point de départ de  Blizzard, ce roman chorale de Marie Vingtras.

C'est un récit de neige  et de fureur un peu déstabilisant au début,  tant les personnages sont nombreux. On leur cherche des liens qui, heureusement, se tisseront assez vite.

Plus on  avance et plus les personnages gagnent en consistance. Chaque petit chapitre raconte le point de vue de chacun. C'est ainsi que se construit le récit.

C'est un roman puissant  à l'écriture dense qui fait penser à la fois  à l'univers nordique de Jón Kalman Stefánson et à celui d'Anne Hébert dans Kamouraska. 

Une très belle suggestion de lecture de mon frère en arrivant aux îles de la Madeleine.

27-02-2022 

Antoine Laurain  /  le service des manuscrits

Antoine Laurain / le service des manuscrits

Antoine Laurain / le service des manuscrits

Antoine Laurain

Antoine Laurain

Le service des manuscrits

Valérie Lepagne règne en maîtresse dans le milieu de l'édition à Paris.  L'arrivée au service des manuscrits d'un texte, «Les fleurs de sucre», dont l'auteur demeure introuvable va servir de déclencheur à une histoire de vengeance qui n'est  pas sans rappeler «L'Été meurtrier» de Sébastien Japrisot.

Un drôle de petit polar assez bien tourné.

25-02-2022

Philippe Jaenada / La petite femelle

La petite femelle / Patrick Jaenada

La petite femelle / Patrick Jaenada

Patrick Jaenada

Patrick Jaenada

Règlement de comptes...

Le procès de Pauline Dubuisson, en 1953, avait défrayé la manchette à l'époque et demeure encore, à ce jour,  une des affaires judiciaires les plus connues en France. On a écrit plusieurs livres qui racontent l'histoire de Pauline Dubuisson  et Henri-Georges Clouzot s'est inspiré du célèbre procès pour son film «La vérité»  en 1960 avec Brigitte Bardot et Sami Frey qui incarnent les amants maudits.

Résumons brièvement. Pauline Dubuisson est accusée d'avoir tué de sang froid son amant Félix Bailly, étudiant en médecine, comme elle, à Lille. Son passé de «fille à soldats»,  elle aurait eu quelques amants allemands durant l'Occupation, son attitude hautaine héritée d'une éducation aux principes nietzchéens inculqués par son père - surmonter et dompter ses émotions- feront en sorte qu'elle sera villipendée par la presse qui en fera un véritable «monstre d'égoïsme et de froideur».

Elle sera condamnée aux travaux forcés à perpétuité, libérée pour bonne conduite après quinze années de réclusion. Elle terminera ses études en médecine. Mais les fantômes de sa triste célébrité  - malgré son changement de nom - continueront de la poursuivre jusqu'à Essaouira, au Maroc, où elle finira sa vie à 36 ans.

Ce long récit de Philippe Jaenada - il fait exactement 708 pages - se lit comme un véritable turning pages. Le secret : l'écriture de Jaenada.

L'auteur prend un malin plaisir à tailler en pièces ce procès haineux avec des relents de règlements de compte liés à l'Occupation allemande. Pauline Dubuisson fait d'ailleurs partie de la galerie des personnages fantômatiques de Patrick Modiano. Encore lui, me direz-vous.

Jaeneda maîtrise à merveille l'art de la digression, multipliant des anecdotes liées à l'Histoire et  à son histoire personelle . Et il a un sens de l'humour dont il ne se prive pas .

Paradoxalement, c'est une histoire triste à mourir que celle de Pauline Dubuisson mais racontée avec humour et beaucoup de dérision à l'endroit de la Justice. Après toutes ses recherches, l'auteur est persuadé qu'elle n'était pas la fille amorale et perverse qu'on a bien voulu faire croire. Au contraire...

22-02-22

CHRISTOPHE jAMIN / Passage de l'Union

Christophe Jamin

Christophe Jamin

Passage de l'Union

Passage de l'Union

Passage de l'Union...les fantômes de Patrick Modiano

Etrange récit que ce «Passage de l'Union» de Christophe Jamin.  C'est là, dans cette petite rue du VIIe arrondissement de Paris, près du Champ de Mars, qu'a vécu le narrateur dans les années 80 dans un petit studio acheté par son père.

On se rend rapidement compte que c'est un lieu chargé d'histoires liées à l'Occupation.

Plus tard, le narrateur devenu avocat devra défendre un homme accusé de meurtre. ll sera question de la disparition de sa soeur en 1942, dans des circosnatances similaires à celle de Dora Bruder. C'est là qu'intervient un écrivain célèbre intéressé par cette histoire.

Il s'agit, on le devine tout de suite, de Patrick Modiano bien qu'il ne soit jamais nommé. Les seules indices, sa description physique, le titre de quelques uns de ses romans.

C'est un hommage discret à P.M.

Un petit livre qui fait tout juste 130 pages. Un récit, ma foi, assez ténu, assez obscur. Vite lu, vite oublié.

14-02-22

Amin Maalouf / Nos frères inattendus

Amin Maalouf / Nos frères inattendus (2020)

Amin Maalouf / Nos frères inattendus (2020)

Amin Maalouf

Amin Maalouf

Nos frères inattendus... pour l'éternité

Je connaissais Amin Maalouf l'essayiste. J'avais lu, relu et fait lire à mes étudiants «Les identités meurtrières» pendant plusieurs trimestres. Je le connaissais beaucoup moins comme romancier.

«Nos frères inattendus » est un roman d'anticipation, pas vraiment une dystopie, quoique....

Le destin d'Alec, un dessinateur canadien et de Ève, une écrivaine qui a écrit un roman culte il y a bien des années, sera bouleversé par une panne inexplicable de tous les moyens de communication - électricité, internet -  sur leur îlot de l'Atlantique où ils vivent en reclus. Ce black-out sera aussi l'occasion pour eux de faire connaissance.

Ces frères inattendus, ce sont les membres d'une société parallèle qui apparaît soudainement pour venir au secours de la civilisation. Cette société inspirée de la Grèce Antique a connu un développement technologique très avancé, notamment dans le domaine de la médecine. La médecine d'Empédocle - du nom du phliosophe et médecin grec de l'Antiquité - permet de guérir les malades et met en péril la médecine traditionnelle qui devient du coup obsolète. Les hôpitaux flottants seront rapidement assiégés par les populations désirant être guéries de leurs maux. Il s'agit d'un genre de tunnel scanneur qui non seulement détecte les maladies, mais les guérit. Cette médecine garantit à toute fin pratique l'éternité.

Le président des États-Unis sera guéri d'un cancer en phase terminale grâce à l'intervention des frères inattendus. Assistera-t-on au déclin de notre société au profit d'une autre plus évoluée? Ces frères inattendus sont-ils amis ou ennemis?

Quoi qu'il en soit, cette intervention bouleversera l'histoire de l'humanité.

Cette fiction se prête bien sûr à une réflexion philosophique dont Maalouf a le secret.  Et c'est tout à fait captivant.

12-02-22

Michel Houellebecq  / Anéantir

Anéantir / Michel Houellebecq (2022)

Anéantir / Michel Houellebecq (2022)

Michel Houellebecq

Michel Houellebecq

Anéantir... Michel Houellebecq

La sortie d'un nouveau roman de Michel Houellecq, habituellement en début d'année, constitue toujours un événement. Détesté par certains, encensé par d'autres, il ne laisse personne indifférent.

Après un récit d'anticipation d'une France dirigée par les Islamistes (Soumission : 2015) et une incursion dans la France rurale (Sérotonine : 2020) en passant par le tourisme sexuel (Plateforme : 2001), Michel Hoellebecq nous entraîne cette fois-ci dans les arcanes du pouvoir politique.

«Anéantir» tourne autour du personnage de Paul Raison, le principal conseiller du ministre de l'Économie, sa femme Prudence, sa soeur Cécile et son mari Hervé,  son frère Aurélien. L'accident cérébral du père de Paul qui vit près de Lyon sera l'occasion de retrouvailles familiales houleuses.

Dans ce grand roman d'anticipation  - nous sommes en 2027 - qui fait plus de 700 pages , Houellebecq dresse un portrait de la société française à la limite de la dystopie : attentats filmés en direct, utilisation de la réalité virtuelle à des fins terroristes, messages cryptés d'obédience sataniste.

Michel Houellebecq y va de ses thèmes favoris : la réussite professionnelle, l'amour et le sexe, le viellissement, la maladie. Il dresse un portrait peu flatteur des EHPAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), l'équivalent de nos CHSLD.

Malgré la mort, la maladie, c'est paradoxalement le roman le plus humain, le plus lumineux de Houellebecq.

Sauf quelques longueurs - la description détaillée des rêves cauchemardesques de Paul - c'est un roman fascinant, très rythmé, qui se lit d'un trait. Selon moi, du Houellebecq à son meilleur.

3 février 2022

François-Henri Désérable / Un certain M. Piekielny

Un certain M. Piekielny

Un certain M. Piekielny

François-Henri Désérable

François-Henri Désérable

Un certain M. Piekielny... réalité ou fiction

« Au numéro 16 de la rue Grande-Pohulanka, à  Wilno, habitait un certain M. Piekielny » peut-on lire dans « La promesse de l'aube», le roman le plus autobiographique de Romain Gary.

Gary s'était juré, quand il deviendrait ambassadeur et écrivain, qu'il prononcerait cette phrase devant les grands de ce monde pour assurer la pérennité de ce jeune voisin et ami qui habitait le même immeuble que sa mère, Mina, et lui en Lituanie dans les années 20.

François-Henri Désérable est parti à la recherche de ce M. Piekielny à Vinius. C'est le départ d'une enquête à la Modiano, dont il est d'ailleurs question dans le livre. Il fantasme  sur ce qu'aurait pu être la vie de ce M. Piekielny. Mort dans un camp de concentration, froidement exécuté d'une balle dans la nuque par les nazis lors du pogrom de Wilno. Les recherches s'avérant infructueuses, il sera tenté de parler de Romain Gary. 

Il faut dire que la  vie de Romain Gary est en soi un véritable roman. Sa vie de kamikaze durant la Seconde Guerre mondiale, sa carrière de diplomate et ses rencontres avec les grands de ce monde, son mariage avec Jean Seberg, sa seconde vie d'écrivain sous le pseudonyme d'Émile Ajar et son suicide dans son appartement parisien le 2 décembre 1980.

L'auteur en arrive à la conclusion que ce M. Piekielny ne serait probablement qu'un personnage inventé par Gary, une sorte d'archétype du juif persécuté durant la guerre. Ou peut-être a-t-il existé sous un autre nom.

C'est un roman  un peu décousu, l'auteur l'avoue lui-même. Son idée de départ était de raconter l'histoire de  M.Piekielny. Devant la difficulté à retrouver ses traces, le roman a pris d'autres directions, de Romain Gary en passant par Venise, l'histoire de sa famille, le vrai et le faux en littérature.

Il réussit à tisser des liens entre tout ça. Au final, ça donne un récit très intéressant.

- Si on s'intéresse à la vie de Romain Gary, il faut lire ce petit livre d'Ariane Chemin.  «Mariage en douce  Gary & Seberg », Équateur, 2016.  Le récit du mariage secret de Romain Gary et Jean Seberg en Corse en 1963. -

23-01-22

Marguerite Yourcenar / Mémoires d'Hadrien

Marguerite Yourcenar / Oeuvres romanesques

Marguerite Yourcenar / Oeuvres romanesques

Hadrien (76 ap. J.-C - 138 ap. J.-C)

Hadrien (76 ap. J.-C - 138 ap. J.-C)

Mémoires d'Hadrien

Il faut lire les carnets des Mémoires d'Hadrien pour prendre la mesure de la  longue gestation de cette grande oeuvre. Marguerite Yourcenar a commencé le projet dans les années 40. Découragée par l'ampleur de la tâche, dubitative quant à la pertinence de raconter la vie de ce grand empereur romain, elle a mis de côté le projet pendant des années. Ce n'est qu'au début des années 50, installée à Mount Desert Island, qu'elle terminera «Les «Mémoires d'Hadrien».

C'est ce roman qui lui vaudra la célébrité littéraire.  Une oeuvre jugée difficile  pour beaucoup. Fascinante pour d'autres. À travers diverses lectures sur Marguerite Yourcenar - dont la très belle biographie de Josyane Savigneau - je connaissais déjà l'oeuvre sans jamais l'avoir lue au complet. Je l'avais déjà commencée, mais je m'étais assez rapidement ennuyé.

Profitant du défi de l'émission «Plus on est de fous, plus on lit» à Radio-Canada, je viens d'en terminer la lecture. Je me suis un peu ennuyé au début. On a l'impression d'être béotien, tant sa culture de La Grèce et de la Rome Antique est immense. Mais vite, on surpasse cet écueil pour se laisser porter par la magie de l'écriture et l'esprit d'Hadrien. Pas nécessaire de connaître tous les personnages cités dans l'ouvrage - d'ailleurs plusieurs sont fictifs - et les détails concernant les batailles.

Ce qui est intéressant c'est de faire la connaissance d'Hadrien, le réformateur, le féministe avant la lettre, l'humaniste. Les thèmes sont très actuels : l'usure du pouvoir, l'inégalité sociale, le droit de mourir dans la dignité.

À l'instar de Flaubert à propos de  Madame Bovary, Marguerite Yourecenar aurait très bien pu dire «Hadrien c'est moi».

À un journaliste qui lui posait la question à savoir pourquoi elle avait choisi la formule des mémoires et non du journal, elle avait répondu que les mémoires permettaient un recul sur l'ensemble d'une vie contrairement au journal et que l'on pouvait supposer qu'Hadrien n'avait sûrement pas le temps de s'astreindre à rédaction d'un journal.

Ainsi, au crépuscule de sa vie, Hadrien fait le bilan de ses réussites et de ses échecs. Et c'est très réussi.

De sa vie privée, on retiendra son amour filial pour Plotine sa mère adoptive, femme de Trajan à qui il succédera. Quant à son épouse, Sabine, il en sera peu question. C'était un mariage de circonstance et il aura à son sujet des propos acerbes.  Toutefois,  il l'aura toujours traitée en impératrice, ce qui semblait lui convenir. Son grand amour sera Antinous, un jeune éphèbe grec qui partagera sa vie jusqu'à sa mort tragique à l'âge de vingt ans. Meurtre ou suicide, on ne saura jamais.

Ce qui fascine dans «Mémoires d'Hadrien», c'est la modernité du propos. Bien sûr, on peut penser que Marguerite Yourcenar a un peu sublimé son image. Elle en a fait un grand humaniste, ce qu'il était peut-être, mais il avait quand même ses travers. 

Ça n'en demeure pas moins un roman d'une grande érudition magnifiquement bien écrit.

19-01-22

La chouette aveugle (1936)

Sadegh Hedayat / la chouette aveugle

Sadegh Hedayat / la chouette aveugle

Sadegh Hedayat (1902-1951)

Sadegh Hedayat (1902-1951)

Agonie et rêveries d'opium...

Sans la lecture de «Boussole» de Mathias Énard, jamais je n'aurais fait la découverte de Sadegh Hedyat, un des grands écrivains iraniens contemporains.

«La chouette aveugle» , son roman le plus connu, a d'abord été édité à Bombay en 1936 et à Téhéran en 1941 avant d'être traduit en français par Roger Lescot pour les éditions José Corti  - qui est aussi l'éditeur de Julien Gracq - en 1953, donc après sa mort.

C'est un roman noir, sombre, terrifiant sur la désespérance. Le narrateur à l'agonie se remémore sa vie misérable. Ses rêveries amplifiées par l'opium sont à glacer le sang. Heureusement c'est un court récit de 177 pages. Mais quelle intensité!

D'ailleurs la vie de Sadegh Hedyat est triste à pleurer.

Né à Téhéran en 1902, mal dans sa peau, suicidaire, il erre entre l'Iran, l'Ouzbekistan, la Belgique, la France. C'est à Paris qu'il finira par s'installer au milieu des années 40.  En avril 1951, il se donne la mort par intoxication au gaz dans son appartement parisien.

Pas trop rigolo pour commencer l'année me direz-vous. En effet! Je m'explique.

La façon dont parlait Mathias Énard de cet auteur assez méconnu a piqué ma curiosité. C'est un livre pas si facile à trouver. Je l'ai donc emprunté à la Grande Biblothèque de Montréal... je ne voulais pas le faire attendre trop longtemps sur ma liste.

À éviter de lire si vous sentez que votre moral est en dessous du seuil normal... mais une belle découverte tout de même.

Voilà. Je plonge dans «Les mémoires d'Hadrien».

02-01-2022

Mathias Énard / Boussole

Boussole / Mathias Énard (2015)

Boussole / Mathias Énard (2015)

Mathias Énard

Mathias Énard

« East meet West » .... nuit d'insomnie

Rarement, un livre ne m'aura autant à la fois fasciné et agacé.

Franz Ritter, universitaire musicologue spécialiste de l'orientalisme, peine à trouver le sommeil dans son appartement viennois.

Cette nuit d'insomnie qui ponctue les chapitres entre  23 h 10 et 6 h 00 est le prétexte à une longue méditation sur sa vie.  Il se remémore sa carrière au sein de cette secte universitaire, ce club sélect des orientalistes, ses amours en dents de scie. Sarah, une chercheure se spécialisant sur l'attraction des aventuriers, musiciens, écrivains occidentaux pour l'Orient, occupe une place prépondérante dans ses réminessences nocturnes.

Il faut dire que ces intellectuels de haut niveau ont beaucoup voyagé - recherche universitaire oblige - en Turquie, en Syrie et en Iran. On assite à des dîners d'ambassade un peu snobinards à Téhéran, des couchers sous la tente dans le désert à Palmyre et aussi à des discussions de haut voltige sur Beethoven et Mendelssohn et leur rapport à la musique orientale.

«Boussole» est un récit qui impressionne par son érudition, mais qui agace par l'étalage que l'auteur en fait. Les plus belles pages sont sans doute celles sur l'Iran et notamment le récit de la chute du Shah en 1979. 

Son récit comporte beaucoup de digressions dans des phrases très longues . On s'y perd souvent. Cet étalage de culture frise parfois la pédanterie.

Malgré tout je me suis rendu à la fin...en me posant toujours la question : est-ce bien un roman ou une thèse universitaire sur l'orientalisme et l'altérité.

Et il faut bien le dire, vers la fin, on a bien hâte qu'il s'endorme...

31-12-2022

Derniers commentaires

02.11 | 01:39

Je crois que j'aurais pu partager quelques lignes de tes paragraphe.

Belle œuvre. Bravo!

28.06 | 13:29

28.06 | 02:04

Riche idée

Début costaud pour 2022.Moi,j’ai débuté plus léger.J’ai bien aimé La menthe et le cumin ,récit réconfortant de souvenirs sur la cuisine familiale de ses parents immigrants de Pascale Navarro

19.01 | 22:56

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