Lus été / automne 2020

Journal d'un amour perdu (2019)

Journal d'un amour perdu (2019) Albin-Michel

Journal d'un amour perdu (2019) Albin-Michel

Éric-Emmanuel Schmitt et sa maman

Éric-Emmanuel Schmitt et sa maman

Un complexe d'Oedipe XXL

Il est normal d'avoir de la peine lorsque l'on perd sa mère. Ceux qui sont passés par là le savent bien. Perdre ses parents marque une étape fondamentale de la vie : il y a l'avant et l'après.

Lorsque l'écrivain Éric-Émmanuel Schmitt a perdu sa mère en 2018, il a vécu un véritable effondrement. Ce deuil qui aura duré deux ans, il le raconte dans «Journal d'un amour perdu». Il vouait à sa mère un amour presque maladif, une admiration sans bornes. 

Il  avait  toujours été persuadé que son père n'était pas son père (tant ils étaient différents, même physiquement) et  qu'elle allait lui révéler un jour le secret de sa naissance.  Il aurait même souhaité, dit-il , que ce soit le cas.  Il aurait  encore été davantage le fils de sa mère.

Comme il l'a dit lui même dans une entrevue à la télé française lors de la promotion de son livre , et je cite : «je suis du véritable caviar pour les psychanalistes». Ça ne s'invente pas!

En fait c'est cette déclaration qui avait piqué ma curiosité. Ce roman d'à peine 250 pages se lit très rapidement. Chapitres courts, texte très découpé comportant beaucoup d'aphorismes sur le bonheur, l'amour, etc.

Autant ce roman en dit beaucoup sur sa relation fusionnelle avec sa mère. autant il demeure discret sur sa vie amoureuse : il est souvent question de ses belles-filles sans qu'il n'en dise plus. Il demeure très énigmatique sur ce sujet.

27-12-2020

Dominique Fortier / Les villes de papier (alto, 2019)

Les villes de papier

Les villes de papier

Émily Dickinson

Émily Dickinson

La vie comme une ombre...

Je connais bien peu de choses en poésie. J'avais déjà vu des photos d'Émily Dickinson, cette austère poétesse  au  «look» Nouvelle-Angleterre dix-neuvième siècle, sans jamais avoir lu ses poèmes.. 

Considérée comme une des grandes poétesses américaines, elle n'aura jamais publié de son vivant qu'elle aura passé en grande partie recluse dans la maison familiale d'Ahmerst dans le Massachusetts.

Dominique Fortier qui vient tout juste de remporter le Prix Fémina essai (est-ce bien un essai?) lui redonne  vie dans ce petit récit qui tient sur à peine 185 pages.

À défaut d'être passionnant, «Les villes de papier» est un texte particulièrement bien écrit. C'est le  quotidien de Dickinson, occupée à l'observation de la nature, que relate l'auteure en petites touches impressionnistes. Toute sa vie, elle aura préféré le compagnie des fleurs, des oiseaux,  des chats et des chiens aux humains. C'était une presque misanthrope.

C'est beau et fragile comme du cristal fin, de la dentelle.  Ça se lit merveilleuse bien.

03-12-2020

Bon! je retourne chez Proust. Ça fait déjà un certain temps! «La prisonnière» m'attend.

À bientôt.

La part de l'autre / Éric-Emmanuel Schmitt (2001)

La part de l'autre (2001)

La part de l'autre (2001)

Éric-Emmanuel Schmitt

Éric-Emmanuel Schmitt

Hitler et Adolphe H...avec des si

Le livre que je viens de terminer est loin d'être une nouveauté. Il est paru en 2001.

En octobre 1908, Adolphe Hitler est recalé à l'entrée de l'École des beaux-arts de Vienne. C'est un fait historique. Que serait-il arrivé s'il en avait été autrement? Si Kennedy n'était pas allé à Dallas le 22  novembre 1963, si Einstein était né ailleurs et  à une autre époque, si...  si...si... le cours de l'histoire aurait sans doute été différent. 

C'est le pari de «La part de l'autre » ce fascinant roman d'Éric-Emmanuel Schmitt.   L'enfance difficile d'Adolf Hitler, ses relations conflictuelles avec son père, la mort de sa mère alors qu'il était jeune expliquent sans doute sa personnalité trouble. La rencontre fictive avec Freud est assez révélatrice à cet égard.

Hitler vu par Éric-Emmanuel Schmitt c'est Docteur Jeykel et Monsieur Hyde. Il y a le Hitler que l'histoire nous a fait connaître, le Fürher obsédé par l'extermination des juifs qu'il tient responsables de l'issue de la guerre 14-18.  C'est un Hitler qui vit à travers ses discours enflammés, véritable exutoire à une sexualité quasi  inexistante comme en  témoigne sa vie avec Eva Braun. Il aurait perdu sa virginité à plus de quarante ans, lui qui avait toujours fait de sa chasteté un étendard.

Il y a aussi l'autre Hitler, le peintre,  que l'auteur nomme Adolf H. qui débarque à Paris dans les années vingt. Sa rencontre avec André Breton va propulser sa carrière.  il deviendra un peintre surréaliste très en vogue, ses toiles étant particulièrement prisées par l'élite financière juive. Il fréquentera  la faune artistique de Montparnasse, les Soutine, Picasso, Max Jacob, multipliant les aventures galantes. Le grand amour de sa vie, Onze,  mourra de la tuberculose . De retour à Berlin, il se remariera avec Sarah Rubinstein, créatrice de parfums et fille d'un membre important de la communauté juive internationale avec qui il aura deux enfants. Il consacrera son temps à l'enseignement de la peinture.

Adolf H. finira sa vie à Los Angeles où il mourra le 21 juin 1970 chez sa fille Sophie. Le même jour, Kart Makart, l'astronaute allemand, était le premier homme  à marcher sur la lune. Ce roman étant une belle uchronie, il ne faut pas s'étonner de ces  quelques libertés historiques.

Bref, un roman touffu, pas toujours facile à suivre au début mais  absolument captivant, surtout dans sa deuxième partie.  Il faut prendre le temps de lire «Le journal de la part de l'autre» à la fin du livre. Très éclairant sur le «making of» de l'ouvrage.

Pour en finir avec Hitler, il faut voir ou revoir  DOWNFALL, le film d'Olivier Hirschbiegel sur les derniers jours du Reich dans le bunker du Führer et de sa garde rapprochée à Berlin.  Une performance magistrale de  Bruno Ganz dans ce film de près de 3 heures.  Du grand cinéma!

1er décembre 2020 et 2 décembre (le film)

Tu t'appelais Maria Schneider / VAnessa Schneider (2018)

Tu t'appelais Maria (Grasset, 2018)

Tu t'appelais Maria (Grasset, 2018)

Vanessa Schneider

Vanessa Schneider

Dernier tango....

Je me souviens du mois d'avril 1973. J'avais vingt ans et je venais d'arriver à Paris. C'était mon premier vrai voyage. Le lendemain, j'allais voir «Le dernier tango à Paris», film de Bernardo Bertolluci avec Marlon Brando et une inconnue, Maria Schneider. Le film n'était pas encore sorti à Montréal.

Quelques années plus tard, c'était au milieu des années 80, j'avais cru l'avoir croisée  dans l'ascenseur d'un  immeuble de l'avenue René-Coty à Paris, un dimanche matin. Elle avait changé. L'amie chez qui j'étais m'avait confirmé qu'elle habitait bien l'immeuble.

«Tu t'appelais Maria» relate la vie tumultueuse de Maria Scheneider mais aussi celle de la famille Schneider, famille disfonctionnelle , c'est le moins que l'on puisse dire. Le livre est écrit par sa cousine Vanessa, journaliste.  Maria Schneider est la fille illégitime de l'acteur Daniel Gélin et d'une mannequin d'origine roumaine.

Maria Schneider est surtout connue pour son rôle sulfureux de Jeanne aux côtés de Marlon Brando dans «Le dernier tango à Paris». Ce film qui fit sa gloire scellera aussi son destin tragique.  La fameuse scène de la motte de beurre, véritable viol en direct, aura des répercussions désastreuses. Elle en voudra toute sa vie  à Bertolluci de  l'avoir piègée avec la complicité de Brando. Le film fera scandale un peu partout dans le monde mais deviendra en même temps un immense objet de curiosité.

Trop jeune , elle avait vingt ans, pour faire face à un tel tollé, elle sombrera rapidement dans l'enfer de l'héroïne. Par la suite, sa carrière évoluera en dents de scie. Après le tournage de «The Passenger» d'Antonioni  avec Jack Nickolson, elle jouera surtout des rôles assez mineurs.

Maria Scheneider est morte en 2011 à la suite d'un cancer du poumon. Elle aura brûlé la chandelle par les deux bouts. Le fantôme du dernier tango l'aura poursuivie toute sa vie.   Vanessa Schneider raconte avec beaucoup de tendresse la vie  de cette cousine de dix-sept ans son ainée, très présente dans sa famille, véritable ovni propulsé dans la jungle du cinéma avec tous les excès des années 70.

Touchant et très bien écrit.

18-11-2020

Rosella Posterino / la goûteuse d'Hitler (2018)

La goûteuse d'Hitler

La goûteuse d'Hitler

Rosella Posterino

Rosella Posterino

Margot Wölk / la vraie goûteuse d'Hitler

Margot Wölk / la vraie goûteuse d'Hitler

Guten Appetit

Il y a un dicton qui dit qu'il n'y a pas de sot métier. Mettons! Tout de même... être la goûteuse d'Hitler... je ne pensais pas que cela ait pu faire partie du répertoire des métiers. Pour dire vrai, je pensais que c'était pure fiction.

Pas du tout. En fait Rosa, une des goûteuses d'Hitler-  elles étaient quinze - a bel et bien existé. Il s'agit de Margot Woelk, une berlinoise née en 1917 et décédée à 97 ans en avril 2014.

Hitler était un grand paranoïaque, obsédé par l'idée qu'on voulait l'empoisonner. On avait  réquisitionné, de force bien entendu, quinze  femmes chargées de goûter tous les mets préparés pour le Fürher, de l'entrée au dessert. Bonjour l'angoisse! Petite parenthèse: Hitler était végétarien.

Chaque matin, les femmes étaient amenées dans son refuge, «La tannière du loup», en Prusse Orientale (maintenant la Pologne) afin de faire leur travail de goûteuse. Elle devaient attendre quelques heures avant d'être reconduites chez elles. Plus tard, Hitler étant de plus en plus parano, elles seront séquestrées cinq jours par semaine dans ses quartiers.

«La goûteuse d'Hitler» est inspiré des souvenirs de Margot Woelk qui a accepté de révéler son secret en accordant plusieurs entrevues à la fin de sa vie.

Elle aura tout de même vécu jusqu'à 97 ans, malgré tous les sévices qu'elle aura subis. Je ne vous en dis pas plus. 

Un livre plein d'humanité qui dévoile un autre pan de cette période trouble de l'histoire allemande.

20-11-2020

Marc Séguin /  Les repentirs . Québec-Amérique. collection III. (2017)

Marc Séguin / Les repentirs (2017)

Marc Séguin / Les repentirs (2017)

Marc Séguin

Marc Séguin

Avec le temps...

Marc Séguin a tous les talents. On connaît son travail d'artiste peintre. Ses peintures, souvent dérangeantes mais jamais banales, ont fait de lui un artiste de renommée internationale.

Il écrit aussi, et très  bien en plus. «Les repentirs», paru en 2017 en est la preuve. C'est un récit autobiographique qui parle de l'enfance, de l'amitié, du grand amour et de l'art. Trois souvenirs précis sont évoqués ici. Le lecteur est mis en garde dès le début : l'auteur y a peut- être glissé une part d'invention.

Peu importe. C'est incroyablement beau et touchant.  Ce n'est pas sans rappeler l'oeuvre de Karl Ove Knausgaard, «Mon combat»... mais dans un style tout à fait différent et en plus court, le livre ne fait que 154 pages. 

J'ai vraiment beaucoup aimé.

14-11-2020

kARL oVE kNAUSGAARD / cOMME IL PLEUT SUR LA VILLE/ mON COMBAT / LIVRE 5 (2010/2019)

Comme il pleut sur la ville

Comme il pleut sur la ville

Karl Ove Knausgaard

Karl Ove Knausgaard

Avant-dernier combat

Je viens de terminer le cinquième et avant-dernier tome de «Mon combat» l'immense saga autobiographique de Karl Ove Knausgaard «Comme il pleut sur la ville».

Comment un récit aussi personnel peut-il tendre à l'universel. C'est là toute la fascination de cette oeuvre littéraire de plus de cinq mille pages que «The Guardian» a qualifié d'entreprise littéraire la plus importante de notre temps.

Ce tome couvre la période de 1988 à 2001 où Karl Ove séjourne à Bergen. Admis à l'Académie d'écriture,  ses écrits sont souvent mal jugés pas ses  professeurs. Il est tenace. Il deviendra écrivain, coûte que coûte. Il noie ses échecs dans l'alcool, et se saoule régulièrement jusqu'à en perdre la carte. 

Il évoque ses relations en dents de scie  avec son frère ainé  Yngve qui habite aussi Bergen. Ce sera aussi la découverte de l'amour.

Bien sûr la figure du père dominateur, déchu dans l'alcoolisme revient le hanter.

Aux funérailles de son père, agé de 54 ans, il livrera au pasteur un témoignage bouleversant sur ce père tyranique. Il aura été incapable de prononcer son éloge funèbre.

Après l'échec de son mariage avec Tonje, il quitte Bergen pour Stockholm. 

Le tome VI, «Fin de combat» cloturera cette  Recherche du temps perdu à la norvégienne. 

Une journaliste résumait ainsi l'oeuvre de Karl Ove Knausgaard :

«Lisez Knausgaard, c'est vous, c'est moi, c'est nous.»

Pour les autres tomes, voir la rubrique LUS AUTOMNE 2019

11-11-2020

Jacques Lusseyran / Le monde commence aujourd'hui (1959) / réédition 2012.

Jacques Lusseyran / Le monde commence aujourd'hui.

Jacques Lusseyran / Le monde commence aujourd'hui.

Jacques Lusseyran (1924-1971)

Jacques Lusseyran (1924-1971)

Que sont mes amis devenus...

La résilience est un mot trop souvent galvaudé par les temps qui courent.

Toutefois, «Le monde commence aujourd'hui» de Jacques Lusseyran écrit en 1958 en est un brillant exemple. 

Le parcours de cet intellectuel, que j'ai découvert dans un article qui lui était consacré dans  la revue «Lire», n'est pas banal.

Devenu aveugle à l'âge de 8 ans à la  suite d'un accident de voiture, il fera partie de la Résistance française,  ce qui lui vaudra un  séjour au camp de Buchenwald de janvier 1944 à mai 1945.

Une partie de son récit porte sur cette période où il se rappelle plusieurs  de ses compagnons d'infortune. Dans ce barraquement glacial, la poésie de Baudelaire et d'Éluard,  déclamée  par Lusseyran, aura un véritable effet de catharsis sur ses compagnons entassés les uns sur les autres, souffrant de malnutrition.

Après la guerre, Lusseyran entreprendra  une carrière universitaire au Hollins College en Virginie comme professeur de littérature. Il consacrera de belles pages au métier d'enseignant et  à une description émerveillée de la nature sauvage américaine. 

De retour en France, il mourra à 47 ans dans un accident de voiture en 1971.

 Oui vraiment ce récit d'à peine 175 pages est une magnifique leçon de résilience. Même aveugle il voit la lumière. Il aura cette phrase qui résume tout : « Les yeux ne font pas le regard». Il est d'un incroyable optimisme. Même aux moments les plus sombres de son internement à Buchenwald, jamais il n'aura douté de la vie et de l'humain.

C'est très touchant.

À lire pour se remonter le moral  en ces temps difficiles.

Autre livre de Jacques Lusseyran : «Et la lumière fut».

19-10-2020 

Automobile Club d'Égypte / Alaa El Aswany (Actes sud) 2013

Alaa El Aswany

Alaa El Aswany

Destins croisés au Caire.

Alaa El Aswany est un formidable conteur. Son roman «Automobile Club d'Égypte» paru en 2013 en est une autre démonstration.

On se souvient tous de son premier roman paru en 2002, «L'immeuble Yacoubian». véritable microcosme de la société égyptienne. Ce roman avait connu un succès mondial en plus d'être adapté au cinéma.

«Automobile Club d'Égypte» est paru en 2013.

On peut supposer que l'action se situe au milieu des années 40. Tous les personnages du roman gravitent autour du chic  «Automobile Club d'Égypte». Le club est le lieu d'une véritable métaphore de la société égyptienne de l'époque  : colonialisme britannique, corruption de la royauté, racisme, despotisme.

Ce magnifique roman chorale suit le destin de la famille d'Abdelaziz Haman, descendant d'une puissante famille ruinée qui doit s'exiler au Caire pour tenter de subvenir aux besoins de sa femme et de ses quatre enfants. Il subira une humiliation qui fera basculer le destin de sa famille.

Les quatre enfants, Saïd, Mahmoud, Kamel et Sahia emprunteront des trajectoires  bien différentes. Je ne voudrais surtout pas divulgâcher (beau mot à la mode🤔) l'intrigue en vous en disant plus  et gâcher ainsi votre plaisir.

«Automobile Club d'Égypte» nous fait passer par une gamme d'émotions qui vont de la révolte à  la tristesse, en passant par l'espoir. On sourit aussi à l'occasion. C'est ce genre de roman dont on a de la difficulté à s'extraire tant il est prenant.

La fin, qui n'est pas du tout fleur bleue, voire même un peu violente, est tout simplement jubilatoire. Vous allez comprendre.

J'ai adoré ce livre que j'ai dévoré en trois jours. Merci à l'ami Roberto (qui a passé son enfance à quelques encâblures des pyramides de Gizeh; je n'en reviens toujours pas😲) qui m'a offert ce livre pour mon anniversaire.

15 octobre 2020

Yoga / Emmanuel carrère (P.O.L.) 2020

Emmanuel Carrère

Emmanuel Carrère

Yoga / Émmanuel Carrère (P.O.L.) 2020

Yoga / Émmanuel Carrère (P.O.L.) 2020

De Yoga, de méditation et d'autres choses

Le yoga et la méditation, c'est à la fois très simple et très compliqué. Ceci étant dit, on n'a pas dit grand chose.

«Yoga», le treizième ouvrage d'Emmanuel Carrère chez P.O.L. est l'histoire d'un dérapage.

Tout d'abord conçu comme un livre sur le yoga à partir d'un séminaire intensif de dix jours à l'école de méditation Vipassana (qui a des «succursales» un peu partout dont une à Montebello au Québec), en janvier 2015, ce livre dévie rapidement sur l'histoire de sa folie, comme il le dit lui-même.

En passant, il ne fait pas nécessairement l'apologie du yoga et de la méditation, non plus des méthodes de l'école Vipassana, proches de l'endoctrinement, qui sont loin de faire l'unanimité : engagement formel de dix jours sans aucun contact avec l'extérieur, sans parler ni même regarder les autres participants, sans livre... rien. Cela peut être très confrontant, très brutal. Certains en  ont  d'ailleurs fait les frais.

«Yoga» est un livre plein de doutes et de culpabilité. Il se décline en trois temps : son   séminaire Vipassana brusquement interrompu par l'attentat de Charlie Hebdo alors qu'il doit être exfiltré pour assister aux funérailles d'un ami journaliste assasiné ce 7 janvier 2015; la dépression et le diagnostic de bipolarité et enfin le début de la rédemption à Léros, en Grèce, avec la rencontre de jeunes exilés syriens.

C'est un livre lucide et dur. Emmanuel Carrère ne se fait pas de cadeau : échecs amoureux, dépressions successives, internement à l'hôpital Sainte-Anne et traitement aux électrochocs, tout y passe. Son portrait n'est pas toujours reluisant.

Il sait qu'il devra vivre avec cette bipolarité. Toutefois le livre se termine sur un constat d'espoir : « ce jour là, je suis pleinement heureux d'être vivant».

Il profite aussi de ce livre inclassable pour rendre un hommage bien senti à son éditeur et ami de toujours, Paul Otchakovsky-Laurens (fondateur des éditions P.O.L), mort dans un accident de la route en Guadeloupe en janvier 2018.

C'est beaucoup pour ce qui ne devait être au départ qu'un petit livre sur le yoga.

8 octobre 2020

LARS sAABYE cHRISTENSEN / Beatles  (1984)

Lars Saabye Christensen

Lars Saabye Christensen

Beatles / 10/18 domaine étranger

Beatles / 10/18 domaine étranger

Norwegian Wood

«Beatles» de Lars Saabye (1984) est dans ma bibliothèque depuis plusieurs années.  J'avais toujours remis à plus tard la lecture de ce livre de 800 pages, par manque de temps, ou encore happé par d'autres livres. 

Je viens tout juste de le terminer. Dire que cette perle (oui vraiment) dormait dans ma bibliothèque! Ce livre paru en 1984 en Norvège a été traduit en français en 2009.

Ça raconte quoi au juste. C'est une histoire d'amitié entre quatre garçons, Ola, Seb, Gunnar et Kim qui ont quinze ans en 1965, à Oslo. Leur histoire qui  s'échelonne sur sept années, suit l'évolution de la discographie des Beatles. D'ailleurs chaque chapitre porte le titre d'une chanson ou d'un album des Bealtes, de I feel Fine à Revolution 9 en passant par l'album Rubber Soul  qui aura un impact important sur la vie de ces quatre fans des Beatles.

On suit leur parcours à travers leur découverte de la sexualité, de  l'amour, de la drogue, de l'engagement politique et bien sûr du rock'n roll avec en tête d'affiche les Beatles, sans oublier, au passage, Bob Dylan, The Doors, et même Leonard Cohen.

J'ai véritablement été happé par cette histoire  d'une amitié indéfectible sur fond de contestation contre la guerre au Vietnam, de maoïsme parfois naïf en référence notamment à Mai 68.

L'histoire de Ola, Seb, Gunnar et Kim, nés en 1951, est truffée de références socioculturelles qui parlent beaucoup à des gens de ma génération.

J'ai adoré ce livre. Un bémol toutefois : j'ai été un peu agacé, surtout au début, par la traduction parfois un peu trop franchouillarde. Mais ça ne gâche pas le plaisir. 

Le film «Beatles» a été réalisé par l'auteur lui-même en 2014.

3 octobre 2020.

David Foenkinos / Deux soeurs . 2019

Deux soeurs / David Foenkinos

Deux soeurs / David Foenkinos

David Foenkinos

David Foenkinos

La vie des autres....

David Foenkinos est un auteur prolifique. Je l'ai connu en  2004  avec  «Le poteniel érotique de ma femme», roman au titre aussi étrange que l'histoire elle-même. 

Depuis, il publie au rythme d'un livre par année. Son dernier roman «Les deux soeurs» est paru en 2019.

Mathilde, professeure de littérature dans un lycée parisien, vit le grand amour avec Étienne. La rupture du couple survient au retour d'Isis, l'ex copine d'Étienne, partie vivre en Australie pendant plusieurs années.

Effondrée, Malthide sera hébergée par sa soeur Agathe, son mari Frédéric et leur petite fille Lili. Rapidement, elle montrera son véritable caractère : anxieuse, jalouse, méchante.

La fin tragique n'est pas sans rappeler celle de «Chanson douce» de Leïla Slimani, prix Goncourt 2016.

À lire aussi de David Foenkinos 

La délicatesse (2005)

Lennon (2010)

Charlotte (2015)

Le mystère Henri Pick (2016)

iles de la Madeleine,   11 septembre 2020

Changer l'eau des fleurs / Valérie Perrin. (2018)

Changer l'eau des fleurs / Valérie Perrin

Changer l'eau des fleurs / Valérie Perrin

Valérie Perrin

Valérie Perrin

La vie des morts

Ce livre fait partie des suggestions silencieuses de Gigi depuis pas mal de temps (voir les suggestions de Gigi sur ce site).

Ce livre qui fait tout de même 665 pages se lit d'un trait.

Violette Toussaint est une résiliente. Après avoir perdu sa fille Léonine, elle se retrouve gardienne de cimetière dans une petite ville de Bourgogne.

«Changer l'eau des fleurs» m'a fait parfois  penser à «L'été meurtrier» de Sébastien Japrisot. Je me suis plu à imaginer Violette Toussaint comme un hybride d'Éliane incarnée par Isabelle Adjani dans le film de Jean Becker et d'Amélie Poulain.

Je ne vous raconterai pas toutes les intrigues de ce roman très touffu. Mais je peux vous assurer que vous allez passer un bon et beau moment de lecture.

Iles-de-la-Madeleine / 8 septembre 2020

Pier Paolo PAsolini / Théorème

Théorème

Théorème

Pier Paolo Pasolini

Pier Paolo Pasolini

Affiche du film «Théorème». 1968

Affiche du film «Théorème». 1968

L'ange exterminateur...

«J'ai la mémoire qui flanche, je ne me souviens plus très bien»  qui, invité récemment sur le plateau de La grande librairie considérait «Théorème» de Pasolini comme un des cinq meilleurs romans jamais écrits. 

Bien sûr, ça a piqué ma curiosité.  Le récit a été écrit parallèlement au tournage du film, sorti en 1968. 

Ceux qui ont vu le film connaissent l'histoire. Un mystérieux visiteur (incarné par Terence Stamp  au cinéma) arrive dans une famille de la bourgeoisie milanaise.

Métaphoriquement, c'est un ange :  il est beau, il est jeune et il incarne la grâce. 

Il connaîtra, au sens biblique du terme, chacun des membres de la famille : Pierre, le fils, Odette la jeune soeur, Lucie, la mère, Paul, le père et la bonne, Émilie.

Cette visitation (c'est le terme qu'utilise Pasolini) aura des conséquences sur chacun des membres de la famille qui en  sortira ébranlé, et dont la vie sera remise en question.  Quant à la bonne, Émilie, elle connaîtra un destin mystique.

Le film avait fait scandale à sa sortie en 1968. L'intérêt du livre est qu'il permet d'approfondir la psychologie des personnages...le film étant peu bavard. Il s'agit parfois de monologues intérieurs, de poèmes. Bref c'est un objet littéraire très intéressant.

En terminant le lecture, on n'a qu'une envie : revoir le film.

Hubert Haddad / le peintre d'éventail. Éd.  Zulma (2013)

Le peintre d'éventail (2013)

Le peintre d'éventail (2013)

Hubert Haddad

Hubert Haddad

Fuir le tumulte du monde

Un beau jour, Matabei Reien  quitte tout pour se réfugier dans une contrée  sauvage de  l'ile de Honshu. Il y fait la rencontre de dame Hison qui y tient  une paisible pension accueillant divers marginaux de la société. Il deviendra l'élève de maître Osaki peintre d'éventail  et jardinier.

Après la mort d'Osaki, il consacrera tout son temps à perpétuer l'oeuvre du maître, s'occupant du jardin et de sa collection de peintures-haikus sur éventail. 

Avant d'atteindre la zénitude totale, Matabei devra passer par de nombreuses épreuves dont un puissant tsunami qui ravagera toute la région.

Ce récit d'initiation est narré par Xu-Hi-han qui, âgé d'à peine quinze ans, avait  rencontré Matabei dans son modeste atelier.  Ils s'étaient séparés brusquement à cause de la belle Enjo, une pensionnaire de madame Hison. Leurs retrouvailles, bien des années plus tard, serviront d'épilogue à cette histoire fascinante.

C'est un très beau roman sur la résilience, la méditation, la patience, le sens du détail et l'amour des jardins. 

Ce livre provient de la bibliothèque de l'ami Arthur et  m'a été offert par Nicole, sa femme. Arthur nous a quittés en juin dernier. En lisant, «Le peintre d'éventail», je l'imaginais contemplant son jardin, ce livre à la main.

Salut Arthur!

14-08-2020

Kamel Daoud / Meurseault contre-enquête. ACTES SUD 2014

KAMEL DAOUD

KAMEL DAOUD

MEURSEAULT CONTRE-ENQUÊTE et L'ÉTRANGER

MEURSEAULT CONTRE-ENQUÊTE et L'ÉTRANGER

L' Arabe s'appelle Moussa

Il y a des écrivains qui ont des idées de génie.

C'est le cas de l'auteur algérien Kamel Daoud qui  a décidé de donner une identité à l'Arabe tué par balle sur une plage d'Alger par Meurseault, un petit  fonctionnaire français. Il s'agit bien sûr du protagoniste de «L'étranger», le  premier et le plus célèbre roman d'Albert Camus paru chez Gallimard en 1942. 

Près de soixante dix ans après les faits, son frère Haroun  veut faire sortir de l'ombre l'Arabe jamais nommé, l'anonyme éclipsé par Meurseault.

«Meurseault , contre-enquête» s'adresse à Albert Camus. C'est un réquisitoire sur l'identité, avec en toile de fond la guerre d'Algérie qui mènera à son indépendance en juillet 1962, vingt ans après la parution de «L'Étranger».

 Le meurtre  du français Joseph Laquais par Haroun,  relaté dans «Meurseault contre-enquête», survient vingt ans après celui de l'Arabe par Meurseault. Oeil pour oeil, dent pour dent!

Le roman de Kamel Daoud est en constant effet de miroir avec celui de Camus. 

Dans son délire final, Haroun  emprunte au héros de Camus ce cri désespéré : « C'est sûr, il y aura beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et ils m'accueilleront avec des cris de haine».

Pourquoi pas en profiter pour relire «l'Étranger».

3 août 2020

Jean-Claude Charles / Ferdinand je suis à Paris. Éditions Bernard Barrault, 1987.

Jean-Claude Charles (1949-2008)

Jean-Claude Charles (1949-2008)

Ferdinand je suis à Paris

Ferdinand je suis à Paris

Ferdinand et Jenny à Paris

«Ferdinand je suis à Paris» est le deuxième volet des amours de Ferdinand, l'écrivain, le journaliste, l'exilé haïtien qui partage sa vie entre Paris et New-York et sûrement l'alter ego de l'auteur Jean-Claude Charles.

Au premier plan les amours tumultueuses de Jenny et Ferdinand, incapables de se quitter mais incapables de vivre ensemble. Cette fois-ci c'est Jenny qui débarque à Paris sans prévenir. Ferdinand est un homme à femmes. Il y a Olivia, la maîtresse parisienne, qui vit une  de ses crises existentielles.

Ferdinand a de la difficulté à terminer le livre qu'il a promis à son éditeur. Il est en attente d'une mission journalistique en Haïti, le régime Duvalier étant au bord du gouffre. Il est en porte-à-faux entre Jenny et Olivia.

Tout ceci n'est pas  sans rappeler vaguement  «Huit et demi » de Fellini.

Toutefois, ce roman n'a pas le même souffle que «Manhattan Blues».

À lire tout de même. C'est en fait une suite à «Manhattan Blues».

8 août 2020

Jean-Claude Charles / Manhattan Blues (1985) réédition 2018. Mémoire d'encrier

Jean Claude Charles (1949-2008)

Jean Claude Charles (1949-2008)

Manhattan Blues / Mémoire d'encrier (réédition 2018)

Manhattan Blues / Mémoire d'encrier (réédition 2018)

Ferdinand entre deux villes, entre deux femmes.

 J'ai fait l'heureuse découverte de «Manhattan Blues» et de l'écrivain haïtien Jean-Claude Charles par Dany Laferrière qui l'a longuement plébiscité dans son dernier ouvrage «L'exil vaut le détour» qui vient tout juste de paraître chez Boréal. J'en reparlerai!

Ce roman qui avait aussi été encensé par Marguerite Duras (qui dit l'avoir lu en une nuit) au moment de sa parution en 1985 a été réédité en 2018 par Mémoire d'encrier, un éditeur montréalais.

Nous sommes en 1985, et les tours jumelles du World Trade Center, très présentes dans le roman,  dessinent encore le profil de Manhattan.

«Manhattan Blues» c'est une virée romantique dans New-York. C'est une histoire toute simple merveilleusement bien racontée.

Ferdinand, écrivain d'origine haïtienne, partage sa vie entre Paris et New-York.  Il est toujours amoureux de Jenny qui vit à New-York et qui ne l'aime plus. Il fait la rencontre de Fran en rupture avec sa famille bourgeoise de Brooklyn et avec Bill, un artiste peintre avec qui elle partage sa vie depuis plusieurs années.

Ce roman c'est le récit de leur escapade de quelques jours à New-York. Ils se baladent dans les rues, font l'amour, discourent sur la vie, sur l'art, sur tout et rien. Quelques moments cocasses  comme celui au MOMA  viennent ponctuer le récit.

Une écriture rythmée, des phrases nominales souvent tronquées.  On comprend pourquoi M.D. avait adoré ce roman. Du style quoi! Une écriture au rythme de New-York.

Quant à Dany Laferrière, il y voit le roman d'amour que Spike Lee et Woody Allen auraient dû réaliser ensemble. Ce qui n'est pas peu dire!

Un véritable coup de coeur. Tous les romans de Jean-Claude Charles ont été réédités chez «Mémoire d'encrier» depuis 2018.

Métis sur mer, juillet 2020

Estelle Monbrun / meurtre chez tante Léonie (1994) éd. Viviane Hamy

Du rififi chez Marcel Proust

Adeline Bertrand-Verdon est une arriviste de la pire espèce.

Elle dirige la Proust Association qui gère entre autre la maison de tante Léonie à Illiers-Combray où le jeune Proust passait ses vacances d'été. Cette maison est devenue un lieu de culte pour les proustiens anonymes, les universitaires du monde entier qui s'entre-déchirent pour mettre au point une édition  définitive de la Recherche.

 Il est justement question d'une quinzaine de cahiers retrouvés datant de 1905  annotés par Proust et qui suscitent la convoitise de plusieurs chercheurs.7

Adeline Bertrand-Verdon est prête à tout pour arriver à ses fins. Comme chez Agatha Christie, tous les gens de son entourage, dont sa secrétaire, une doctorante qui prépare une thèse sur un aspect inédit de l'oeuvre de Proust, ont de bonnes raisons de la voir disparaître.

On la retrouve assasinée dans son bureau de la maison de tante Léonie. Un inspecteur parisien,  hybride  d'Hercule Poirot et de Maigret, est envoyé sur place pour résoudre le meurtre.

Un formidable petit roman policier d'Estelle Monbrun, nom de plume d'une universitaire spécialisée dans l'oeuvre de Proust.  Comme elle fait dans le polar littéraire elle a écrit entre autres «Meurtre à Petite-Plaisance», la maison de Marguerite Yourcenar dans le Maine et  «Meurtre chez Colette», toujours chez Viviane Hamy. 

Petit bémol, ces livres sont difficiles à trouver. Il faut les commander chez votre libraire et ça peut prendre du temps.

25 juin 2020

Commentaires

Roberto

17.10.2020 12:54

Très content que tu as aimé ce roman. Lire aussi j'ai couru vers le Nil et un essai sur les dictatures

Derniers commentaires

02.11 | 01:39

Je crois que j'aurais pu partager quelques lignes de tes paragraphe.

Belle œuvre. Bravo!

28.06 | 13:29

28.06 | 02:04

Riche idée

Début costaud pour 2022.Moi,j’ai débuté plus léger.J’ai bien aimé La menthe et le cumin ,récit réconfortant de souvenirs sur la cuisine familiale de ses parents immigrants de Pascale Navarro

19.01 | 22:56

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