Lus Automne 2021

Justine Lévy / Son fils

Justine Lévy / Son fils

Justine Lévy / Son fils

Euphrasie Artaud (mère d'Antonin Artaud)

Euphrasie Artaud (mère d'Antonin Artaud)

Son fils

Son fils, c'est  Antonin Artaud. Elle, sa mère, c'est Euphrasie Naplas-Artaud

J'ai entendu parler d'Antonin Artaud en 1971 au collège de Rosemont. Notre professeur, Gilbert David, nous avait donné à lire «Le théâtre et son double» où il présente sa théorie du théâtre de la cruauté.

Dans «Son fils», Justine Lévy nous dévoile des extraits du journal imaginaire d'Euphrasie.

Mère suprotectrice, elle aura toujours considéré son fils comme un génie. Il avait été diagnostiqué très jeune atteint de maladie mentale.

Dans son journal qui se déroule de 1920 jusqu'à sa mort survenue en 1948 dans un asile près de Paris, elle consigne dans son journal l'évolution de sa maladie. On assiste à la décripitude morale et physique de ce fils adoré.

Pendant ces neuf années d'internement à Rodez, il continue à écrire entre deux séances d'électrochocs et ses crises de délire. Il est connu à Paris  et publié chez Gallimard.

Sa mère fait tout pour le protéger du monde extérieur. Elle le sait en sécurité dans sa maison de santé. Toutefois, sous la perssion d'un groupe d'intellectuels de Saint-Gernain-des-Prés - ses soit disant amis, écrit-elle ironiquement dans son journal - il sera libéré de l'asile de Rodez.

Il vivra les dernières années de sa vie dans une semi-clochardise, errant dans les rues de Paris. Il deviendra une sorte de bête de foire du milieu littéraire de Saint-Germain, ce que dénoncera vertement sa mère.

Le ton est dur, désespéré, acrimonieux.

Les dernières lignes se son journal, écrites après la mort de son fils parlent d'elles-mêmes.

« Je ne lui pardonne pas. Je ne me pardonne pas. Je ne pardonne à personne. Je ne sais plus qui je suis. Je n'ai pas mal. Je ne souffre plus. Peut-être que je suis morte, je ne sais pas.»

18-12-21

Estelle Montbrun / Meurtre à Petite Plaisance

Estelle Montbrun / Meurtre à Petite Plaisance

Estelle Montbrun / Meurtre à Petite Plaisance

Petite Plaisance / Mount Desert Island

Petite Plaisance / Mount Desert Island

Meurtres au pays de M. Yourcenar

Après «Meurtre chez tante Léonie» , une incursion dans l'univers de Marcel Proust, cette fois-ci Estelle Montbrun nous convie à l'île des Monts Déserts dans le Maine, à Petite Plaisance, la maison de Marguerite Yourcenar.

Estelle Montbrun fait dans le polar littéraire.

Un journaliste français, Adrien Lempereur, venu soit-disant enquêter sur la pêche aux  homards, est retrouvé assassiné dans le jardin de Petite Plaisance.

L'enquête est ouverte entre Paris et l'île des Monts Déserts.

On y découvre qu'il se trame bien des histoires louches dans cette petite communauté. Un véritable panier de crabes. Beaucoup de suspects...

L'histoire est bien menée. Bien que l'ombre de Marguerite Yourcenar plane toujours sur l'île, elle ne sert ici que de prétexte à l'appelation de polar littéraire.... même si le  journaliste a été assasiné dans le jardin de sa maison.

18-12-21

Gilles Leroy / Nina Simone, roman

Gilles Leroy / Nina Simone (2013)

Gilles Leroy / Nina Simone (2013)

Gilles Leroy

Gilles Leroy

Nina Simone

«Nina Simone, roman»  de Gilles Leroy constitue le troisième volet de sa trilogie américaine, le portrait de trois femmes. 

«Alabama Song», prix Goncourt 2007 retrace le parcours tumultueux de Zelda Fitzgerald et «Zola Jackson» celui de cette institutrice au coeur de la catastrophe de l'ouragan Katrina en Nouvelle-Orléans en août 2005.

Dans les trois cas, il s'agit d'une biographie romancée.

Ici, il a choisi d'évoquer la mémoire de la grande Nina Simone à travers le récit de Ricardo Santos, d'origine phillipine, qui sera son homme de ménage, son cuisinier et qui deviendra bientôt son plus proche confident.

 Malgré la gloire et la célébrité, la vie de Nina Simone, née Eunice Kathleen Waymon, sera marquée par la désillusion amoureuse et l'exploitation financière de ses managers. Sa plus grande blessure aura sans doute été d'avoir dû faire le deuil d'une carrière de pianiste classique.

Toute sa vie, elle ressarera cet échec qu'elle attribuera à sa condition de femme noire issue d'un milieu modeste.

Nina Simone est morte d'un cancer, seule, à l'âge de 70 ans en 2003.

13 décembre 2021

Marie-Claire Blais La belle bête (1959)

La belle bête  Marie-Claire Blais

La belle bête Marie-Claire Blais

Marie-Claire Blais

Marie-Claire Blais

Un trio cruel et infernal...

Ces temps-ci, j'opte pour des romans courts. 

Qu'ont en commun «La belle bête» et «L'Amant » de M.D. ? La famille bien sûr. Mais, dans les deux cas,  la famille lieu de toutes les névroses.

Le trio, que forment Louise, la mère, et ses enfants Isabelle-Marie et Patrice , est ébranlé le jour où elle  rencontre Lanz qui deviendra son nouveau mari et le beau-père des enfants.

Patrice qui est d'une beauté exceptionnelle - mais un peu idiot - est idôlatré par sa mère alors qu'Isabelle-Marie, la fille laide, est rejetée et ignorée.

La vengeance d'Isabelle-Marie sera cruelle et sans appel.

C'est un roman dur, sans lumière. C'est déjà très bien écrit - Marie-Claire Blais avait vingt ans - ce qui laissait présager, on s'en doute bien, la grande écrivaine qu'elle est devenue par la suite.

«Une saison dans la vie d'Emmanuel», qui lui méritera le Prix Médicis en 1966, poursuit son introspection de la famille névrotique. (voir Lus Hiver /P. 2021)

6 décembre 2021

Marguerite Duras   l'Amant (1984)

L'amant  Marguerite Duras (1984)

L'amant Marguerite Duras (1984)

Photo de famille  M.D. sa mère, ses frères....

Photo de famille M.D. sa mère, ses frères....

L'amant .... tout M.D.

En revoyant l'autre jour l'entrevue que Marguerite Duras avait accordée à Bernard Pivot en 1984 pour la sortie de  L'Amant - pour lequel elle avait obtenu le prix Goncourt - j'ai eu envie de le relire.

Lire L'Amant, c'est lire l'histoire de Marguerite Duras, histoire qu'elle a évoquée dans ses romans précédents. La folie de sa mère réalisant qu'elle a acheté une concession pourrie sur le Pacifique, le grand frère voyou, le petit frère attardé - elle le dit elle-même - , les jardins de l'ambassade de France à Lahore, la mendiante, le vice-consul, le corps sublime d'Hélène Lagonelle, les tennis. Tout est là ou presque. Il n'y manque qu'Anne-Marie Stretter.

Mais il  y a surtout l'amant chinois rencontré sur un bac sur le Mékong. Elle a quinze ans, il en a vingt-sept. Ce sera son premier amour. Elle défiera l'autorité maternelle et les préjugés de l'époque pour vivre cette passion. 

Dans ce roman qui lui a valu la consécration de ses pairs et un succès populaire à plus de soixante-dix ans, M.D. explore ce qu'elle appelle la destruction de la phrase. Écriture elliptique qui fait souvent des entorses à la syntaxe et à la ponctuation. 

C'est du grand Duras. Et après ça, pas besoin de lire autre chose, à moins d'être un aficionado de M.D. Ce qui n'est pas mon cas.

Laurent Gaudé  Le soleil des Scorta

Laurent Gaudé  Le soleil des Scorta

Laurent Gaudé Le soleil des Scorta

Laurent Gaudé

Laurent Gaudé

Sous le soleil brûlant... des Scorta

Vraiment, il était temps que je lise ce magnifique roman de Laurent Gaudé, «Le soleil des Scorta» , que je pensais avoir lu au moment de sa sortie en 2004.

Je garde un souvenir puissant de « La porte des enfers» paru en 2008, un roman terrifiant qui raconte la véritable descente aux enfers de Matteo qui a perdu femme et enfant dans une fusillade à Naples.

C'est sous le soleil cuisant de Montepuccio - un petit village des Pouilles - que se déroule sur trois générations l'histoire de la famille Scorta-Mascalzone. Le roman débute par le retour au village de  Luciano Mascalzone, un bandit de grand chemin. Sous un soleil brûlant, il revient se faire justice après des années passées en prison. Cette scène magistrale est digne d'un western spaghetti des années 70. On croirait entendre la musique d'Ennio Morricone. L'âne remplace le cheval.

Durant toutes ces années, il a rêvé de Filomena Biscotti. Même s'il sait qu'il va y laisser sa peau, rien de l'empêchera d'assouvir son désir de posséder Filomena. 

De cette brève étreinte - et pas avec celle qu'il croyait - naîtra Rocco qui suivra les traces de son père.

Giussepe, Domenico, Carmella, les enfants de Rocco, et Raffaele formeront une étrange famille dont on suivra les tribulations dans ce roman à la fois sombre et lumineux.

Les descriptions de Montepuccio et de ses habitants ne sont pas sans rappeler celles du  grand roman de Carlo Lévi «Le Christ s'est arrêté à Éboli».

Un très grand plaisir de lecture.

3 décembre 2021.

Pauline Baer de Perignon / La collection disparue

La collection disparue / Pauline Baer de Perignon

La collection disparue / Pauline Baer de Perignon

Portrait de madame de Parabère de  Nicolas de Largillierre

Portrait de madame de Parabère de Nicolas de Largillierre

À la recherche de la collection disparue

C'est un peu par hasard que Pauline Baer de Perignon, arrière-petite-fille de Jules Strauss, un banquier juif originaire de Francfort, s'est retrouvé à mener une enquête sur la disparation de tableaux ayant appartenu à son illustre arrière-grand-père.

Cette enquête sur la spoliation de tableaux  au cours de la Seconde Guerre mondiale aura été pour elle l'occasion de découvrir tout un pan de son histoire familiale. Grand mécène, amateur d'art et collectionneur d'oeuvres impressionnistes - Degas, Sisley, Monet, entre autres -, Jules Strauss a été dépouillé de ses biens par les Allemands durant l'Occupation.

Cette enquête dans les méandres de l'Occupation la mettra sur la sur la piste de Patrick Modiano qui en a fait une véritable spécialité. Elle sera assistée par plusieurs spécialistes des questions de spoliation et de restitution d'oeuvres d'art volées,  ce qui lui permettra de mieux naviguer dans les dédales de cette bureaucratie extrêmement complexe.

Dans un premier temps, elle pourra retrouver un petit dessin de Tiepolo, Un berger, ayant appartenu à son arrière-grand-père, et des meubles.  Mais le clou de son enquête sera la restitution à la famille, par le musée de Dresde en Allemagne, d'un célèbre tableau de Nicolas  de Largillierre  (1656-1746) intitulé Portrait de madame de Parabère. Ce tableau d'un des grands portraitistes de son époque représente la favorite du duc Philippe d'Orléans.

Comme je m'intéresse beaucoup à cette période sombre de la France - sans doute que Modiano y est pour quelque chose - j'ai eu beaucoup de plaisir à naviguer avec elle dans cette quête. Pour la petite histoire, Pauline Baer de Perignon est la soeur du comédien Édouard Baer.

28 novembre 2021

Chevreuse   Patrick Modiano

Patrick Modiano  Chevreuse(2021)

Patrick Modiano Chevreuse(2021)

Modiano chez lui

Modiano chez lui

Les fantômes de la rue du Docteur-Kurzenne

Cette rue du Docteur-Kurzenne est un lieu qui revient de façon récurrente dans l'oeuvre de Modiano. C'est au 38 de cette rue où il  a vécu en 1952 - il avait alors 9 ans - chez une amie à qui sa mère les avait confiés, son frère Rudy et lui. C'est le lieu de la fin de l'enfance, mais aussi le lieu de la perte de son frère cadet, mort d'une leucémie à l'âge de 10 ans en 1957.

Rien de nouveau sous le soleil. On sait déjà que ses parents avaient des fréquentations un peu louches. Il en est question dans Remise de peine (1988), Fleurs de ruine (1991) et Chien de printemps (1993) , les trois seuls romans de Modiano publiées au Éditions du Seuil.  

Dans Chevreuse, Modiano, alias Jean Bosmans, essaie de pister  ces fantômes  aux noms modianesques - Rose-Marie Kravell, Michel de Gama, René-Marco Hériford -  qui errent entre Auteuil, Jouy-en-Josas et la Gare Saint-Lazare.

Ces gens «vivant d'expédients» - formulation chère à Modiano - étaient  souvent impliqués dans des combines louches dont l'auteur a parfois eu connaissance mais sans jamais savoir de quoi il en retournait exactement.  

Vers la fin des années 60, alors qu'il commence à écrire, Jean Bosmans -  Modiano  - a l'impression d'être traqué par ces fantômes. Pense-t-on qu'il sait des choses compromettantes. Allez savoir!

On reste bien sûr sur notre appétit, comme toujours. On aimerait en savoir un peu plus. On devine un peu ce qui se passait toutes les nuits dans cet appartement  d'Auteuil.

Mais la musique de Modiano opère toujours après toutes ces années.

Au fait pourquoi Chevreuse? À cause de la duchesse de Chevreuse qui figurait dans les Mémoires du cardinal de Retz, livre de chevet de Bosmans.  Enfin, Jouy-en-Josas, lieu sgnifiant dans l'univers de Modiano, est situé dans la vallée de la Chevreuse.

25 novembre 2021

Mathias Énard / Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

Mathias Énard / Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

Mathias Énard / Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

Mathias Énard

Mathias Énard

Michel-Ange à Constantinople

«Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants» de Mathias Énard est un petit bijou.  Ce court roman d'à peine 150 pages retrace le séjour - probable- de Michel-Ange à Constantinople en 1506, mandaté par le sultan Bajazet pour construire un pont sur la Corne d'Or.

Michel-Ange est ambivalent dans sa loyauté envers le pape Jules II et son envie de répondre à l'invitation du sultan Bajazet qui a refusé le projet de son rival Léonard de Vinci. Il est à la fois attiré par la beauté des jeunes hommes et par  celle des jeunes femmes.

C'est une sorte de journal intime  du grand génie au travail, à la fois fasciné par la beauté ottomane, mais désireux  de retourner à Rome terminer l'édification du tombeau du pape Jules II.

De retour en Italie, il entreprendra le chantier du plafond de la Chapelle Sixtine. Son séjour à Constantinople l'aura inspiré dans la réalisation de la célèbre fresque. Mathias Énard, en grand érudit,  donne quelques pistes d'interprétation à observer si vous avez l'occasion - chose de plus en plus difficile - d'aller visiter la Chapelle Sixtine.

Entre la fiction et la vérité historique, ce roman  poétique, d'une grande beauté  d'écriture est un véritable enchantement.

19 novembre 2021.

Karl Ove Knausgaard / Fin de combat (volume 6)

Karl Ove Knausgaard / Fin de combat (vol. 6)

Karl Ove Knausgaard / Fin de combat (vol. 6)

K.O.K

K.O.K

Fin de combat... This is the End

Je suis Knock Out.

Je viens de terminer le sixième et dernier volume de l'immense autobiographie de Karl Ove Knausgaard, «Mon combat»

 Dans «Fin de combat», KOK nous parle des conséquences - disons des ravages - qu'aura eues sur sa famille et ses amis la publication de «Mon combat». On l'accusera d'avoir livré en pâture son père, sa femme et ses amis dans cette confession impudique qui l'aura rendu célèbre.

Une célébrité qu'il vit difficilement, tiraillé entre sa vie de famille à Stockholm  - la bipolarité de sa femme Linda, les exigences du quotidien avec trois enfants en bas âge - et sa notoriété d'écrivain. 

Son récit oscille entre les aléas  de la vie quotidienne qu'il décrit dans les moindres détails, de la liste d'épicerie au changement de couches de John, le petit dernier.

Il se sent toujours coupable de ne pas en faire suffisamment au quotidien et surtout d'avoir entrepris ce gigantesque projet d'écriture qui lui vaudra certes la célébrité et l'aisance financière - ses livres traduits en plusieurs langues se sont vendus à des millions d'exemplaires -  mais aussi l'opprobe de beaucoup de gens de sa famille, dont son oncle qui ira jusqu'à lui intenter un procès.

De ce pavé de 1500 pages, on aurait pu en retrancher exactement le tiers. Au plein milieu du livre, il quitte le récit autobiographique pendant 500 pages pour se livrer à une réflexion théorique sur le «je» dans le récit, sur l'intertextualité chez James Joyce et autres considérations assez barbantes, il faut bien le dire. On dirait qu'il a pris plaisir à recopier ses notes de cours à l'université en études littéraires.

Après cette longue digression, retour à la dernière partie de son récit autobiographique qui porte principalement sur son combat contre  la maladie de Linda.

Pour le meilleur et pour le pire, il est devenu une célébrité. Mais le combat n'est pas fini pour autant.

Dans l'ensemble «Mon combat» est une réflexion majeure sur la littérature et l'autofiction.

Pour les commentaires sur les livres 1 (La mort d'un père), 2 (Un homme amoureux), 3 (Jeune homme) et 4 (Aux confins du monde) voir LUS AUTOMNE 2019 et 5 (Comme il pleut sur la ville) voir LUS AUTOMNE 2020.

18 novembre 2021

Éric-Emmanuel Schmitt   Lorsque j'étais une oeuvre d'art

Lorsque j'étais une oeuvre d'art

Lorsque j'étais une oeuvre d'art

Éric-Emmanuel Schmitt

Éric-Emmanuel Schmitt

Pas facile d'être une oeuvre d'art...

À l'instar d'Amélie Nothomb, on peut reprocher à Éric-Emmanuel Schmitt d'être un boulimique de l'écriture.

On ne peut toutefois pas lui reprocher son manque d'imagination. À preuve, cette histoire absolument abracadabrante de Tazio Firelli, le cadet des jumeaux Firelli, célébrités acclamées dans le monde entier pour leur exceptionnelle beauté.

Ça commence ainsi : «J'ai toujours raté mes suicides. J'ai toujours tout raté, pour être exact : ma vie comme mes suicides.»

Le jour où il décide d'en finir à la Falaise de Polomba Sol - lieu réputé pour se suicider -  il fait la rencontre de l'excentrique Zeus-Peter Lama  qui lui fait la proposition suivante : lui accorder 24 heures pour le faire changer d'idée et renoncer à mourir.

Tazio a  vécu dans l'ombre de ses frères; il a toujours passé inaperçu, personne ne le remarque et il constate un beau jour qu'il n'est pas beau.

Zeus-Peter Lama est un artiste à la fois adulé et détesté pour ses extravagances artistiques. Il propose à Tazio de le transformer en une oeuvre d'art vivante, ce qui nécessite de multiples chirurgies. Il signera un pacte officiel, un contrat, avec l'artiste.

Il deviendra donc une oeuvre  d'art, intitulée Adam bis, propriété de l'artiste. L'oeuvre voyagera en compagnie de son bienfaiteur - c'est ainsi qu'il nomme l'artiste-  un peu partout dans le monde et atteindra une cote faramineuse.

Il sera par la suite vendu à un richissime collectionneur qui le mettra par la suite en vente dans un encan prestigieux. Alors que les enchères atteignent 25 millions d'euros, l'État va se prévaloir de son droit de préemption et acquérir Adam bis pour 10 millions d'euros.

Le voilà devenu bien national. Mais cette oeuvre d'art est avant tout un humain.

Je ne vous en dirai pas plus  - j'en ai déjà trop dit - pour ne pas trop gâcher votre plaisir.

«J'étais une oeuvre d'art» est une belle satire de certains dérapages de l'art contemporain - notamment le Body Art - , de la notoriété à tout prix et de la marchandisation outrancière. On ne peut s'empêcher de penser à Jeff Koons et à Damien Hirst pour ne nommer que ces deux-la.

C'était une petite pause avant de retourner chez Karl Ove Knausgaard et son dernier combat.

3 novembre 2021

Cent ans de solitude / Gabriel Garcia Marquez

Généalogie des Buendia

Généalogie des Buendia

Cent ans de solitude / Gabriel Garcia Marquez

Cent ans de solitude / Gabriel Garcia Marquez

Dynastie

Je n'avais jamais lu «Cent ans de solitude».

J'aurai donc profité du défi lancé par «Plus on est de fous, plus on lit» pour combler cette lacune... si l'on peut dire.

Que dire à la sortie d'un roman aussi foisonnant, déroutant, étourdissant! Ça ne se raconte pas.

Considéré comme un des chefs-d'oeuvre de la littérature du XXe siècle, «Cent ans de solitude» - au même titre que «À la recherche du temps perdu » -  est  précédé d'une réputation d'oeuvre difficile à lire.

C'est vrai et faux à la fois.

Difficile à lire si on aime le réalisme et la linéarité du récit. Facile, si on se  laisse porter par la démesure de cette dynastie qui règne sur le village de Mocanda en Colombie. Il suffit de se laisser porter par cette vague déferlante.

On retrouve ceux qu'on croyait morts depuis des années, presque momifiés, reclus dans une chambre, mais toujours vivants. Ursula, la matriarche, atteindra  l'âge vénérable de 147 ans.

Le roman fait dans la démesure, parfois même dans l'outrance : le déluge qui durera quatre ans onze mois et deux jours sera suivi d'une période de sécheresse de dix ans.  L'appétit des personnages, leurs ébats amoureux prennent  des proportions absolument gargantuesques quand on ne fait pas carrément voeu de chasteté. Toutefois, on ne s'embarasse pas de morale quand il s'agit de coucher entre membres de la famille. Le prix à payer si un enfant venait au monde : il naîtra avec une queue de cochon.

C'est aussi une allégorie du capitalisme et de la corruption incarnée par l'industrie bananière.  Et bien sûr la guerre est omniprésente en toile de fond de toute cette saga.

Au fil du temps, tout se déglingue dans la maison des Buendia. L'atmosphère est suffocante d'humidité, les fourmis et les termites détruisent tout. Les plantes envahissent la maison. Au secours! On étouffe!

L'écriture est dense comme la jungle colombienne. De très longs paragraphes, des phrases longues. On s'y perd parfois. Peu importe, on avance.

La fin est déroutante. On ne sait trop. La disparition de la dynastie des Buendia était-elle déjà écrite?

Quelle aventure!

Pas besoin d'être un exégète de l'oeuvre de Gabriel Garcia Marquez pour  prendre plaisir à la lecture ce ce roman hors norme. 

Après ça, on a presque envie de lire un petit Marguerite Duras... pour respirer un peu.

20 octobre 2021

Frédéric Beigbeder / L'homme qui pleure de rire

Frédéric Beigbeder

Frédéric Beigbeder

Smiley

Smiley

Mourir de rire

Frédéric Beigbeder, alias Octave Parango, a eu plusieurs vies professionnelles déclinées en trois romans. 

99 Francs (2000) retrace son parcours dans le monde de la publicité, Au secours pardon (2007) dans celui de la mode ; enfin, L'homme qui pleure de rire (2020) raconte  son ascension et sa chute chez les humoristes.

Pendant près de deux ans, Frédéric Beigbeder aura tenu une chronique humoristique de 3 minutes les jeudis matins sur France Inter. En novembre 2018, il fera son hara kiri radiophonique en arrivant légèrement éméché, sans aucune préparation, prétextant avoir perdu son texte dans un taxi en sortant de la nouvelle discothèque à la mode,  le Medellin, à trois heures du matin.  Toute l' équipe est mal à l'aise. On n'a qu'à voir la vidéo sur You Tube.


Le lendemain,  il fera sa dernière chronique.

Ce livre sera  l'occasion de régler ses comptes avec la dictature de l' humour à tout prix tout en écorchant au passage les médias en général.

C'est aussi un bilan de sa vie de jet setter parisien. Il nous raconte ses cuites, ses dragues et ses dérives dans les endroits  les plus branchés de la capitale. Il a vécu tous  les excès dans la vingtaine, il a fréquenté tout le gratin du monde de la mode, de la publicité...c'est presque du name dropping.

Personnage détestable, me direz-vous. Pas vraiment. Justement, Octave Paragon - Frédéric Beigbeder- a quelque chose d'attachant. Il manie avec brio l'art de l'autodérision.  Il est très intelligent et sait reconnaître la futilité de ce monde dans lequel il a toujours baigné.  

C'est une écriture très rythmée et Beigbeder a le sens de la formule. On rigole!

2 octobre  2021

Emmelie Prophète / Les villages de Dieu

Les villages de Dieu / Emmelie Prophète

Les villages de Dieu / Emmelie Prophète

Emmelie Prophète

Emmelie Prophète

Les cités de la violence

Dany Laferrière disait récemment que si l'on voulait vraiment savoir ce qui se passe en Haïti, plutôt que de l'interviewer, il fallait lire le roman d'Emmelie Prophète, Les villages de Dieu qu'il a d'ailleurs largement plébiscité : «Un roman exceptionnel. Le meilleur livre sur Haïti. Le plus fort, le plus juste, et peut-être le mieux écrit.»

On a l'impression que toute la misère du monde est concentrée à Puissance Divine et à Bethléem, deux cités de Port au Prince aux consonnances bibliques. C'est un monde parallèle, avec ses propres lois, sa propre justice, régi par par des gangs de rue qui s'entretuent pour le pouvoir. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les chefs caïds y ont la vie courte.

Celia, dite Cécé, adolescente, élevée par sa grand-mère, tente tant bien que mal de survivre dans cette cité marquée par la violence. Éprise de liberté, elle tentera de sortir de sa misère avec  Facebook et Instagram en devenant une sorte d'influenceuse... son téléphone et son abonnement à internet est ce qu'elle a de plus précieux.

Les villages de Dieu parle de désir d'exil, d'entraide, de violence, de mort, et  de la résilience des femmes. Le pouvoir exercé par les gangs de rue est tel qu'il rend impossible toute prise en charge par les citoyens. On a l'impression que rien n'est possible.

C'est un roman coup de poing. C'est une écriture puissante, à la fois réaliste et métaphorique. On assiste impuissant à la vie de ces personnages qui tentent par tous les moyens de garder la tête hors de l'eau.

On sort de cette lecture bouleversé.

28 septembre 2021

Karine Tuil / Les choses humaines (2019)

Karine Tuil / Les choses humaines

Karine Tuil / Les choses humaines

Karine Tuil

Karine Tuil

Ça n'arrive qu'aux autres...

C'est une histoire en deux temps.

Le couple formé par Jean et Claire Farrel est un couple de pouvoir. Lui est  journaliste politique vedette à la télé, elle est une militante féministe, auteure de plusieurs essais.  Ils sont des figures connues de ce que l'on appelle dans le milieu, le PAF (paysage audiovisuel français).

Ils ont eu un enfant, Alexandre,  alors que Jean était au début de la cinquantaine. Alexandre a vécu dans un milieu bourgeois parisien non exempt de tensions et de pressions de la part de son père qui le pousse à être meilleur en tout, quitte à user de violence à l'occasion.

Tout va basculer quand Alexandre sera accusé de viol sur la fille d'Adam, le nouveau conjoint de sa mère.

S'ensuit un procès qui couvre toute la deuxième partie du livre.

C'est violent comme peut l'être ce genre de procès. Qu'est ce que le consentement? Comment peut-on définir un viol? Les perceptions de la victime et celles de l'accusé divergent. S'ajoute à tout cela le procès de personnes venant de classes sociales différentes. Un véritable clash de cultures. La vie ratée de l'accusé (Alexandre devra interrompre ses brillantes études universitaires à Stanford en Californie) vaut-elle plus que celle de la victime, issue d'un milieu plus modeste? Nous sommes en 2016 en plein Me too et Balance ton porc. Compte tenu de la notoriété des parents d'Alexandre, le procès va se jouer aussi sur les réseaux sociaux.

C'est un livre choc. On suit ce procès sans pouvoir s'arrêter. Un grand roman!

Le roman vient d'ailleurs d'être adapté au cinéma pas Yvan Attal. Charlotte Gainsbourg y joue le rôle de Claire et son fils, Ben Attal, celui d'Alexandre Farel. Un grand film? À voir!

En tout cas, une histoitre de famille.

23 septebre 2021

Anthony Bourdain and laurie woolever / World Travel

Anthony Bourdain and Laurie Woolever

Anthony Bourdain and Laurie Woolever

Anthony Bourdain à Tanger par Weskey Allsbrook

Anthony Bourdain à Tanger par Weskey Allsbrook

Manger autour du monde...

Imaginez un instant qu'il n'y a pas la pandémie, que vous êtes riche à ne plus savoir que faire de votre argent et que vous êtes un  foodie fini!

Vous avez envie d'aller au restaurant  à Muscat dans le sultanat d'Omman, à Yagon au Myanmar ou  encore à Luang Prabang au Laos ;   il faut vous procurer le livre d'Anthony Bourdain et Laurie Woolever, «World Travel» paru au début 2021.

Si vous avez un budget plus modeste, vous y trouverez de bonnes adresses à Montréal, à Québec et bien sûr dans les grandes capitales européennes et américaines. Et pas seulement de restaurants... mais aussi d'hôtels et de bars. Il nous prend en main dès l'aéroport.

C'est un véritable «table book» même s'il n'en a pas le format. C'est un beau livre parsemé de belles illustrations de Wesley Allbrook.

C'est un livre que l'on déguste - sans vilain jeu de mots- à petites doses.

Anthony Bourdain est mort tragiquement en 2018. Il s'est enlevé la vie.

22 septembre 2021.

Derniers commentaires

02.11 | 01:39

Je crois que j'aurais pu partager quelques lignes de tes paragraphe.

Belle œuvre. Bravo!

28.06 | 13:29

28.06 | 02:04

Riche idée

Début costaud pour 2022.Moi,j’ai débuté plus léger.J’ai bien aimé La menthe et le cumin ,récit réconfortant de souvenirs sur la cuisine familiale de ses parents immigrants de Pascale Navarro

19.01 | 22:56

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